Page sonorisée


Nolwenn ARZEL - La harpe de Bretagne
A Nezh Kalon - De toute mon âme
Le site Internet de Nolwenn ARZEL

« A nezh kalon », « De toute mon âme »… Soyez rassurée, talentueuse et sincère Nolwenn, que ces mots qui titrent votre quatrième album prennent toute légitime valeur lorsque l’on écoute ces 12 titres, mélodiques, poétiques et altruistes.

Même si, dans votre travail, votre prime préoccupation reste, toujours, l’idée de valoriser la harpe soliste, vous parvenez, particulièrement, dans et par cet opus, à mettre votre intime instrument en pleine lumière, en le faisant, plus que soutenir par les jeux, à la fois respectueux, mais forts présents, des trois excellents musiciens qui en pleine symbiose, « convergent » artistiquement vers celui de vos limpides et celtiques notes qui nous enchantent, toujours plus, au fur et à mesure de l’élaboration de vos albums.


Plus qu’une soliste accompagnée, nous avons, ici, la réelle impression d’écouter un groupe où chacun prend sa part de création, en valorisant celle de l’autre.
La photo que vous faites figurer, au verso de la jaquette, que nous avons, par ailleurs, sélectionnée pour illustrer, en appui à celle-ci, cette chronique, semble corroborer, parfaitement, nos propos lorsque, notamment, l’on observe son parfait alignement et l’équilibre de sa composition. Une image en osmose avec votre enregistrement.

Citons ces 3 talents qui se joignent à vous :
Au Low Whistle et à l’Uillean Pipe : Loïc BLEJEAN.
Aux « percussions du monde » : Yvon MOLARD.
A la guitare : Yann QUEFELEANT.

Cette nouvelle déclaration d’amour à la Bretagne, à la Celtie, se décline, ici, en traditionnels arrangés, compositions personnelles, mais aussi, en textes originaux, chantés en français. Pour la première fois, en effet, la musicienne s’est, aussi, ici, consacrée à l’écriture.
Son goût marqué pour la danse irlandaise ou bretonne s’exprime, également, à plusieurs reprises, au travers de certaines plages, ce qui ponctue et relance, toujours, la parfaite composition de ce programme qui, s’écoulant, quand même, sur plus de 51 minutes, devient… trop court !
C’est, sans aucun doute, un album, pensé, travaillé, ciselé, qui apparaît, finalement, comme le plus abouti, le plus « maturé » de la palette de la gracieuse harpiste qui, avec un littéral coup de foudre, a rencontré la harpe, dès l’âge de 11 ans, après avoir participé à un concert de Gilles SERVAT et des frères QUEFFELEANT.

Dès la première « séquence » du disque qui, sous le nom générique de « Kreizh Breizh Meskaj » (Medley de Centre Bretagne), regroupe, comme le précise l’élégant livret « photographié », désigné et graphiquement créé par Kévin PERRO(Voir), 3 danses des plus toniques de Bretagne. La couleur musicale du CD est donnée.
Ce sera la marque d’un enracinement certain, mais, notamment, par le jeu et la « tessiture » des percussions d’une ouverture sur le monde, sans fusion excessive, si j’ose dire, sans « confusion ».
Dans l’esprit « groupe », sus-décrit, la harpe se présente, tour à tour, en avant-scène, puis devient, elle-même, tout en gardant son rôle essentiel, accompagnatrice des autres instruments, avant de reprendre sa figure de proue. Le sentiment de partage est évident.
Ce dansant triptyque instrumental est une brillante entrée en matière. Vous ne pourrez qu’être séduits par la souplesse et l’équilibre des jeux et la subtilité des propos instrumentaux. Une bien belle façon de pérenniser le traditionnel !

Les acteurs-instrumentistes étant, par ces musiques à danser, dès à présent présentés, reste à découvrir la voix de la harpiste devenant auteur(e) et chanteuse.

C’est sur un air traditionnel irlandais du XVIIème siècle, « Gentle Fair Ely », arrangé par la harpiste, que nous allons la découvrir, en vibrant duo avec Gilles SERVAT sur un texte qu’avec ferveur, Nolwenn a poétiquement peaufiné, en hommage à Alphonse ARZEL, son grand oncle, ancien sénateur du Finistère et ancien maire de Ploudalmézeau.
Ce chant dénonce la dramatique marée noire provoquée en l’inoubliable et effroyable mars 1978, par le naufrage du pétrolier supertanker libérien, « Amoco Cadiz » s‘affaissant, puis, sectionné en deux, se dressant, outrageusement, à quelques encablures des côtes finistériennes, plus précisément, sur les récifs de « Men Goulven », en face du village de Portsall.
Venu du golf persique avec, dans ses cuves, 227 000 tonnes de pétrole brut, le navire armé par la compagnie américaine Amoco, se dirigeait vers Rotterdam, pour le compte de son affréteur, le pétrolier Shell.
Suite à une avarie de gouvernail intervenue lors de conditions de mer difficiles et après plusieurs manœuvres de tentatives de remorquage aux multiples incidents et aux carences organisationnelles, le « drame noir » survient, alors, sur 300 kilomètres de la côte.
Pour exiger réparation, Alphonse ARZEL mènera, alors, jusqu’à Chicago, le combat, en défendant les intérêts des communes du littoral souillées par cette catastrophe considérée, aujourd'hui encore, comme l'une des pires catastrophes écologiques de l'histoire de la navigation maritime.
En 2014, sur son album « Strewiñ », Nolwenn ARZEL avait, déjà, rendu hommage à l’action vigoureuse de cette déterminée et essentielle figure défensive, après sa disparition, survenue en février de la même année (Voir).



Nolwenn ARZEL © Photo Kevin PERRO

Mais, ici, dans « L’homme aux sabots », Nolwenn prolonge par des mots sa prime démarche instrumentale, « O’ Carolan's Farewell » qui lui était, alors dédiée.

Ce titre est, bien évidemment, le « temps fort » de cet album.
Après un magnifique égrainage harpistique de cristallines notes soutenues par le souffle du whistle, l’incandescente voix de stentor de l’auteur d’« Erika, Erika », autre catastrophe pétrolière survenue sur les côtes bretonnes, en décembre 1999, vient, dans ses profondeurs, soutenir vigoureusement la voix haut perchée de Nolwenn. Tout au long des couplets et refrains, il n’y a pas dialogue, mais un parallélisme vocal qui semble traduire, parfaitement, le ressentiment commun.


« L’âme courageuse, le cœur plein de vaillance,
Tu as fédéré, engagé, lutté,
L’homme aux sabots s’en va pour Chicago,
Faut s’acharner, résister, gagner !
 »

Un moment magnifique, où voix et texte sont primordiaux, mais où la harpe, comme un envoi, retrouve sa place finale de leader.

Puisque nous abordons l’aspect « chanteuse «  de Nolwenn, ne passons pas à côté, en plage 7, de « La chevelure ». Cette chanson vient du pays rennais et évoque le vieux métier de marchand de cheveux. Une jeune femme de caractère préfère rester pauvre plutôt que de vendre sa chevelure en perdant sa dignité.
Y trouvant une projection thématique actuelle, Nolwenn a voulu souligner la force symbolique des cheveux dans nos sociétés et le drame de leur perte que connaissent les femmes confrontées au cancer.
La mélodie, traditionnel arrangé par Nolwenn, est fort belle, la voix de l’artiste remarquable, tout en pleins et déliés avec un talent certain d’interprétation qui traduit, parfaitement, le dialogue entre la belle et le marchand.
On y découvre, à la fois, nuance et puissance vocale de l’artiste.
L’architecture musicale de ce morceau est, aussi très intéressante, puisque alternent complainte vocale narrative et, en changement de rythme, deux pont musicaux joués, à la harpe, guitare, whistle et percussions, qui viennent souligner le ferme refus de vendre ce trésor naturel, réaction vivement encouragée par un vieux châtelain, alors présent aux côtés de la jeune femme.

« Prend cette anneau, je te le donne, dit-il, en lui baisant la main
et prend, aussi, cette dentelle et cette croix, si tu le veux
Mais ne va pas livrer, la belle, aux ciseaux, tes cheveux
 ».

Dans cet album ; très personnel, au-delà de l’aspect musical, par les textes originaux ou patrimoniaux, Nolwenn ARZEL, aborde, avec résonance, l’écologie, la maladie, la condition féminine au 19ème siècle.

En 9ème position, la plus longue pièce de l’opus, décline la tragédie d’une jeune fille-mère infanticide. « Personne n’en est la cause » est l’un des textes les plus bouleversants du répertoire breton.
Dans la première partie d’exposé des faits, la flûte plaintive de Loïc BLEJEAN ajoute à la poignante dramaturgie de ce thème traditionnel arrangé par la harpiste.
La seconde partie, traitant des conséquences judiciaires et du débat d’idées s’y afférant est abordée musicalement en hanter dro composé par Nolwenn. Là, encore, cette construction musicale, en deux parties, apporte pleine vie au propos.

En 6ème titre, une perle contenue dans ce bel écrin vous attend : un audacieux Canon de Pachelbel arrangé par Nolwenn ARZEL qui l’a re-visité en reel Irlandais.
Quelle riche idée !
Si la pièce commence dans son rythme bien connu des mélomanes appréciant la musique baroque et ce compositeur-organiste allemand, ou de ceux qui n’ont appréhendé ce thème qu’au travers du légendaire « Rain and tears », tube du groupe Aphrodite's Child - Lucas Sideras  et surtout, Vangelis Papathanassiou et Demis Roussos - (1968), dans un second temps, invitée par la harpe, la frénésie du reel s’empare, soudainement, de la partition ;
Une très belle réussite où l’Uillean Pipe vient renforcer la couleur du pays symbolisé par la harpe, jusqu’au prime rythme, retrouvé.

Ce disque est tellement riche de notes et de mots que nous ne cesserions de vous le présenter. Mais cela altérerait votre propre plaisir de découverte, lorsque vous allez, sans nul doute, vous le procurer.

Sous les doigts magiques et experts de Nolwenn ARZEL, la harpe celtique « Janet » (Pour Janet HARBISON, harpiste irlandaise) signée du célèbre facteur français de stature internationale CAMAC (44 - Bzh) (Voir), grâce au grand talent de Nolwenn ARZEL, sonne merveilleusement et nous présente de bien multiples registres.

Dans ce superbe disque que nous n’avons, en fait, que sommairement effleuré, vous allez découvrir des notes de terroir dansant, de la complainte, du classique du swing, des ambiances traditionnelles, prospectives, même world music, mais, toujours, en nuances proposées mais non, par mode ou opportuniste formatage, imposées.
Nous sommes en présence d’un album délicat, élégant, substantiel, qui a, vraiment, une âme… celle de l’artiste qui vient de gravir, une nouvelle fois, une marche supplémentaire dans sa discographie et son travail.
Bel objet à la présentation graphique et photographique soignée, ne vous privez de joindre cet album raffiné et de grande qualité à la collection de vos enregistrements bretons et celtiques. Il deviendra, très vite, l’un de vos préférés.

Gérard SIMON


____________________________________________________________________________________________________
Nous vous proposons d'écouter un medley de 3 extraits de
l'album de Nolwenn ARZEL "A Nezh Kalon - De toute mpn âme" :
« Lettre à Jane », « La chevelure », et « Her golden hair » (05:44).
____________________________________________________________________________________________________

Les titres du CD "A Nezh Kalon - De toute mon âme"

Kreiz breizh meskaj
01 - Kreiz breizh meskaj ton plinn - 03:30
02 - Bal plinn - 02:17
03 - Ton doubl fisel/gavotte - 04:28
04 - L'homme aux sabots - 05:03
05 - Lettre à jane - 04:07
06 - Pachelbel's reel - 05:54
07 - La chevelure - 06:10
08 - Mazurka - 03:52
09 - Personne n'en est la cause - 07:33
10 - Valse blanche - 04:43
11 - Her golden hair - 05:40
12 - Noce tragique - 05:40

Total 51:17


CD La harpe de Bretagne - "A Nezh Kalon - De toute mon äme" :
Parution : avril 2017
Distribué par : COOP BREIZH - www.coop-breizh.fr
Référence : 4016160

© Culture et Celtie

Illustration sonore de la page : Nolwenn ARZEL - "Ton Simpl Plinn" (Kreizh Breizh Meskaj) - Extrait de 01:05.
Le site Internet de Nolwenn ARZEL : www.nolwennarzel.com

<< Les C.D.