Par ce titre, nous retrouvons, avec émotionnel plaisir, le son électrique incisif, la voix haut perchée, certes superbement maturée, du leader et co-fondateur d’E.V., avec, ici, de puissants envois de bombardes rejoints par un court et oriental soulignement des cordes violonistiques de Jessica DELOT.

Mais après cette « Peur » et cet univers plutôt sombre, remettons-nous :
« Ev chistr 'ta Laou, rak chistr zo mat, loñla » (Bois donc du cidre, Laou, car le cidre est bon)…
Mené par le chant de Gweltaz, alterné, en réponse, avec la belle voix de Jessica, B.R.E.T.O.N.S. interprète « Son Ar chistr », en hommage à Alan STIVELL qui a inscrit ce traditionnel à boire, pour la postérité. Publié après « Telenn geltiek » (Harpe celtique), premier vinyle 33 tours, paru chez Mouez Breiz fin 1964, sous le nom d'Alan COCHEVELOU, encore non professionnel, ce « Son Ar chistr » figure en plage A5, de son premier album vinyle professionnel, paru en 1970.

B.R.E.T.O.N.S. a fait de sa version de « Son Ar chistr » ses premiers single « Radio-édit » et clip-vidéo signé Laurent FRANZI.

Un autre reconnaissant clin d’œil est adressé à l’iconique « celtic harper-hero » breton, de la part du collectif B.R.E.T.O.N.S. qui, en piste suivante, reprend la « Suite sudarmoricaine », un titre, élégamment et insidieusement, donné, en 1972, par Alan, au paillard et original traditionnel « Pardon Spezed ».
L’interprétation collective sur ligne affirmée de flûte et whistle, batterie et guitares, semble corroborer et cautionner les propos de Gweltaz, invité au micro de France Bleu Breizh Izel qui déclarait :
Pour l’ensemble du groupe « Alan est une pierre… c’est un incontournable, évidemment, Il y a la Bretagne avant et après STIVELL et c’est comme la Bretagne avant Diwan et après Diwan… c’est vraiment un élément moteur ».

La présente interprétation est rythmiquement bien plus proche de celle d’E.V., en 1996, que des différentes versions chantées par les autres artistes.

Vous apprécierez à son juste titre, sa phase introductive qui décolle, à l’oriental, dans des aigus insensés que, vocalement, Gwelatz ADEUX maitrise parfaitement. Quelle performance !
Puis la voix de Jessica rejoint celle du « chanteur-performer », dans les spires électrisées d’un rock « cornemusé » au rythme binaire, plus familier. Magnifique et ample version, jusqu’à la coda finale « très haut perchée », de Gweltaz. !

En plage 5, nous avons aimé retrouver, cette fois, chanté par Kevin COGEZ, « Ar-Men »… de l’ex groupe lorientais ARMENS, formation ne donnant plus signe d'activité depuis 2018, mais dont nous n’avons pas oublié la prestation, devant 18 000 personnes, lors du concert « Bretagne(S), à Bercy », le 15 mars 1999.
Le démarrage rock de l’événement avait été confié, alors, à ce jeune groupe de six musiciens qui avait publié, en 1998, un CD single de ce titre « Ar-Men », adossé à « Démago », également, en cette mémorable soirée, joué au palais omnisports parisien.

Si le collectif B.R.E.T.O.N.S. a choisi de présenter, intentionnellement, une sélection rétrospective allant puiser jusque dans les années 70, il ne faut, surtout pas, passer à côté de morceaux plus récents, tirés des répertoires de DIGRESK et KERVEGANS, présents « Maîtres d’œuvre de l’édifice ».
- Pour DIGRESK, « En vers et contre tous » (Piste 9), un rond de Loudéac, initialement, paru en 2021, sur leur 4ème album « Al Liamm » (Le lien) et l’instrumental « Peuple des dunes » (Piste 11), cercle circassien, initial 5ème titre de leur 3ème opus « KENGRED » (Solidarité), publié en 2017 relatant l’opposition à un projet d’extraction de sable coquillier sur une dune sous-marine toute proche du littoral de Trébeurden.
La pièce est, particulièrement, endiablée, avec de dansants souffles d’accordéon diatonique et d’aériennes lignes de flûte, rejoints sur des riffs de guitare et les pulsassions de batterie persuasifs, par des bombardes en folie, puis in fine, dans un délire collectif par des cornemuses, particulièrement échevelées et persistantes. Une « rock-transe » en bonne et due forme.

- Pour KERVEGANS, nous retrouvons, en piste 7, « L’étincelle », avec « ses rêves, les yeux ouverts, à des odeurs de souffre, aux parfums entêtant des cocktails Molotov », mais, aussi, en saisissant contraste, avec les enjôleurs déliés du violon de Jessica, titre qui, en 2018, titre qui ouvrait l’album « Bienvenu demain » (Notre chronique) et l’assez vindicatif
« Marketing » avec ses « riffs » croisés de guitares survoltées, de bombardes et de cornemuses.

En piste 10, notre attentive écoute a été, particulièrement, captée par l’irlandais, « The fields of Athenry », qui, certes, dans ce programme, apparaît rythmiquement comme une pause intervenant au dernier tiers d’un fort énergique parcours, mais qui ne véhicule pas moins, un thème bien noir.
Il s’agit d’une chanson populaire parlant de la Grande famine, en Irlande (1845-1852) qui raconte l'histoire fictive d'un couple séparé par les événements, en inscrivant la situation dans le contexte de cette famine.
Moult versions de cette ballade existent, dont celles de DROPKICK MURPHYS et des DUBLINERS.

La magnifique, puissante, mais nuancée voix de Jessica DELOT, unique, mais essentielle présence féminine dans B.R.E.T.O.N.S., est, au cœur de ce titre… au zénith ! En solo, simplement soulignée du banjo, en trio avec l’adjonction du whistle, comme en chorus tissé de très belles harmonies vocales qui prennent, au final, après l’intervention de la cornemuse, leurs pleines dimensions, a cappella, jusqu’à l’ultime suspens.
Un grand et émouvant moment instrumental… et vocal !

Bien sûr, nous aurions, aussi, plus amplement, évoquer :
- « It's a Long Way to the Top (If You Wanna Rock'n'Roll) », morceau d'AC/DC qui, a servi d’introduction de concert à E.V., notamment par la présence de cornemuses, vivement souhaitée par Bon Scott, chanteur écossais du groupe australo-britannique, comme le précisent Julien MOURIER et Kevin COGEZ, reçus au micro de Glenn JEGOU, sur les antennes de France-Bleu Armorique.
- « Breizh Positive » 1er titre de l’album éponyme d’A RE YAOUANK (1995) réalisé par Patrice MARZIN,
- « Ni a sell Ouzh an heol » d’E.V. (« Huchal » 1998), avec un Gweltaz bretonnant, à souhaits,
- « Drunken lullabies », festif et trépidant morceau paru, en 2002, sur le deuxième album studio éponyme du groupe de punk celtique américain FLOGGING MOLLY,
- « C'est un Pays », de SOLDAT LOUIS, joué, en clôture du disque, par un B.R.E.T.O.N.S. jouant au plus près de la version originelle, initialement gravée ou pressée, selon CD ou Vinyle, pour l’opus « Pavillon Noir » (1990) du groupe lorientais.
Mais pour ne pas lasser nos lecteurs et leur laisser le plaisir de découvrir à l’écoute de leur acquisition, nous n’avons pas voulu faire transiter nos propos par l’intégralité des 15 titres enregistrés dont vous trouverez, comme d’habitude, la liste, après notre chronique.

Nous vous conseillons, vivement, ce disque qui sera un excellent avant-propos pour assister à la prestation scénique de ce « super-groupe » B.R.E.T.O.N.S…. ou un excellent et fiable souvenir, d’après concert.
Au travers de ces 15 morceaux, qui paraissent, conjointement, en Compact-Disc et vinyle, les plus anciens « retrouveront », les plus jeunes « découvriront »… et réciproquement !
Le collectif B.R.E.T.O.N.S., ainsi constitué et par ses choix, a le mérite de réunir autour de ce florilège de tubes celtiques ou d’inspiration celtique, plusieurs générations qui, sans nul doute, trouveront, dans cet univers marquant de rock-celtique, inévitablement, leur miel.

En bonus, ce disque rappelle que de Lorient à Rennes, via Nantes, on est, sans ambiguïté aucune, identitairement Bretons et, depuis la création de ce collectif, musicalement… « B.R.E.T.O.NS. ».

Gérard SIMON

CD de B.R.E.T.O.N.S.
Parution : mars 2023.
Réf : CM2863.
Production : AZTEC Musique
Distribution : PIAS - www.pias.com