Mais lorsque nous avons reçu et ré-écouté avec grande attention « Voulouz loar - Velluto di luna », enregistré, en 1998, par Annie EBREL, figure emblématique du chant traditionnel breton et Riccardo DEL FRA, remarquable contrebassiste de jazz, nous avons considéré que cet album essentiel devait, absolument, faire l’objet d’un article « A la Une » de votre magazine en ligne, ne serait-ce que pour le faire connaître à nos plus jeunes lecteurs.

« Voulouz Loar-Velluto di Luna » est, incontestablement, l’un des disques qui ont le plus marqué la musique bretonne de ces 20 dernières années !
Cet album de référence qui a reçu, notamment, le Diapason d’or, en 1999, n'a pas pris une ride et conserve, à ce jour, un style avant-gardiste.
A l’époque, c’était, en effet, la première fois qu’une chanteuse traditionnelle de gwerzioù bretonnes croisait son talent avec celui d’un un musicien de jazz, et pas des moindres, puisque cet instrumentiste d’origine italienne, après avoir joué dans l’orchestre de la Radio Télévision Italienne et collaboré avec Ennio MORRICONE a, notamment, rencontré, en 1979, Chet BAKER, qu'il accompagnera neuf années durant, aussi bien lors de ses tournées internationales que pendant des sessions d'enregistrements ou des prestations radiophoniques ou télévisuelles. Riccardo a, également, joué auprès de nombreux solistes, comme Art FARMER, Dizzy GILLESPIE, Art BLAKEY et bien d'autres.

Par sa pertinence artistique intemporelle, cet album permet, même, au duo de reprendre, actuellement, la route des concerts.
Nous vous invitons à entendre, en public, dans un climat intimiste qui laisse, comme sur le CD, beaucoup de place à chacun, cette douce et belle voix féminine naturelle, berçante, enracinée, singulière et fascinante, soutenue par une contrebasse au son profond et pénétrant. Pour connaître les étapes de la tournée, consultez notre rubrique « A l’affiche » de notre page d’accueil (voir) où nous annonçons ce spectacle proposé par Big Bravo (Voir).

C’est un écrin parfait pour renfermer un livret de 10 pages qui reprend les textes des chansons, en breton, traduits en français et ponctués par de plus anciennes images noir et blanc de ce « duo de velours » dont les biographies, disposées en parallèle, sur la dernière page, précèdent deux photo-portraits récents et en couleurs, accolés sur le verso du document. Les photos sont de Gilles POULIQUEN.

La pièce maîtresse reste, bien entendu, ces plus de 39 minutes gravées de pur délice, s’égrainant sur 11 plage (9 traditionnels et 2 compositions).

Tous les titres sont passionnants. Vous retrouverez, bien entendu, de grands « standards » bretons, arrangés, ici, par Riccardo DEL FRA, dont « Teñval eo an noz » et « Pach pi », que nous avions découverts, pour notre part, revisités et révélés au grand public par Alan STIVELL, respectivement, titrés « Teñval an Deiz », (Plage 9 de l’album Reflets - 1970) et « Pachpi Kozh » « Pachpi new » (Plage 7 de l’album enregistré, en public, à Dublin 1975).
Vous noterez, dans ce dernier titre nommé, la vélocité vocale d’Annie EBREL, qui s'impose, plus encore, dans la seconde partie de son interprétation de « Pach pi »… c’est époustouflant !

Viennent se joindre, sur « Dans tro Lors », composition du chanteur breton, Laurent JOUIN et « Voulouz loar », composition de Riccardo DEL FRA, les violons de Régis HUBY, David BRACCINI, François MICHAUD, l’alto de Sylvie BERGER, le violoncelle d’Alain GRANGE et la contrebasse de Giampierro CREMONINI.
Sur « Dañs Tro Lors », air à danser, Riccardo DEL FRA fait vibrer ses cordes avec un véritable rythme cardiaque, dans un premier temps, apaisé et régulier qui s’accélère, soudainement, au rythme physique et effréné de la danse. Les cordes rajoutent à cette frénésie musicale. C’est, tout simplement, magnifique, symphonique… quelle belle interprétation vocale et instrumentale.
Composée par DEL FRA, sur un texte du poète Pierre Jakez HELIAS, « Voulouz Loar » est la pièce la plus futuriste, progressiste, chimérique, onirique du CD. Elle est, magnifiquement, emmenée, a capella, par la voix voluptueuse et, parfaitement, assurée de Madame EBREL, avant d’être soutenue par l’intervention, quasi abstraite, des cordes. Dieu que c’est prospectif !

Dans ce programme, l’emplacement de cette pièce est fort bien choisi, puisqu’elle succède à « Kanennoù » qui présente, déjà, sur un bourdon vocal polyphonique réalisé par la technique du re-recording, une voix puissante et enracinée qui projette ses ailes dans le Tir na nOg... de l’après lendemain !

Ce disque est, vraiment, un incontournable, une référence, une très belle et fort intéressante pièce essentielle à posséder dans le large spectre de votre discothèque.

Ce CD a été enregistré en 1998 ; ah bon ?
Il semble sorti des presses… de la « prospective des temps à venir » !

Gérard SIMON