FLEUVES -#3

Très vraisemblablement Inspirée par ces typiques vallées côtières du nord-ouest finistérien envahies par la mer et formant un estuaire enfoncé dans les terres, puisque nommé « Aber », du nom celtique signifiant embouchure, c’est une très invitante, processionnelle, presque solennelle marche composée par FLEUVES, qui, en première piste du disque, « ouvre le bal ».

En effet, c’est une succession de Ronds de Loudéac, Bourrée, Pilé menu, Rond de Saint-Vincent, Cercle circassien, Gavotte qui vont se succéder, mettant, tour à tour, en exergue, le travail musical ciselé de fins compositeurs et talentueux instrumentistes qui, au travers d’arrangements très variés vont vous faire paraître, trop court le chemin qui traverse, ainsi, plusieurs terroirs de danse.

Une petite anecdote, rapportée, au lendemain de la sortie officielle de l’album « #3 », à la Carène de Brest : Invité au micro de l’émission « La Table d’Arthur », animée par Glenn JEGOU sur France Bleu Armorique, devenu, depuis « iCI Armorique », l’un des membres du groupe précisait « qu’ils n’avaient pas voulu se casser la tête pour dénommer les danses ».
C’est, ainsi que, « ne voulant pas s‘approprier entièrement les morceaux », des abréviations, des « diminutifs », comme « Loudia », « Pil », « Oust », « Gwrz », servent d’enseignes nominatives aux différents styles de morceaux à danser joués.
De son côté, « Stang », titre plus haut évoqué, prend le nom du studio d’enregistrement brestois où entre le 26 février et le 10 mars 2024, les prises de son et mixage, réalisés par Romain DUBOIS, ont eu lieu.

En piste 6, titré par FLEUVES sous le nom de « Gwrz », votre oreille avertie reconnaîtra la gwerz traditionnelle « Deus an dro nevez-amzer - Venez la nouvelle saison » (le printemps), une composition de la couturière et poétesse costarmoricaine de langue bretonne, Philomène CADORET (1892-1923).
Nous connaissions cette pièce traditionnelle interprétée, notamment, par la chanteuse, aussi harpiste celtique, Anne AUFFRET, elle aussi, costarmoricaine de langue bretonne et française.
Pour notre part, nous avions découvert ce titre, région côtière guérandaise oblige, porté par le duo du Pays nantais, BLAIN-LEYZOUR qui l’a enregistré, en 3ème piste de son opus « Sur la grande route », paru en 2022.

Plus près de la féminine et vocale interprétation de la chanteuse-harpiste, c'est, ici, arrangée par FLEUVES, une version intégralement instrumentale que vous découvrirez. Dans un quasi-mystique crescendo, sur le pas mesuré, puis, plus appuyé, des claviers de Romain DUBOIS, les clarinettes d’Emilien ROBIC y chantent, elles aussi, merveilleusement, mélancoliquement, sensuellement. Un moment, hors danse, suspendu. A écouter et réécouter… Superbe !

Une fois nouvelle, comme pour les deux albums « best-sellers » précédents, nous avons été séduits par ce nouveau disque de FLEUVES qui affirme, confirme, en bientôt dix années d'existence, la place originale qu’il occupe sur la scène des nouvelles musiques bretonnes.
Tout en proposant une « électro-transe » bien marquée et, bien évidemment, fort propice à la danse, FLEUVES garde un sens évident pour la mélodie, tissée sur un jazz-rock, parfaitement maîtrisé et, avec soin, savamment ornementé, enrichi.
L’ancrage culturel est bien présent, l’ouverture sur le monde ne l’est pas moins. C’est, à la fois, festif, parfois solennel, souvent expérimental, toujours compatible et, vraiment, très réussi.

« #3 », de FLEUVES, est pour vous, exigeants danseurs et fins mélomanes, que vous soyez bretons d’origine ou de passion, voire d’adoption, ou complètement d’ailleurs, mais sensibles aux vents musicaux nouveaux qui exportent des notes d’Armorique vers d’autres enracinements locaux, régionaux, internationaux, notamment insufflés par la danse collective qu’elle soit d’origine rurale ou urbaine.

Si un fleuve peut se définir comme un cours d'eau important, remarquable par le nombre de ses affluents, le grand volume de son débit, la longueur de son cours qui se jette dans la mer, FLEUVES… avec un « S », semble, à fortiori, au confluent des ses influences, culturellement, artistiquement, musicalement, répondre à toutes ces caractéristiques.

Pour notre, votre plus grand plaisir, nous souhaitons à FLEUVES un très long cours et d’intenses immersions dans les marées dansantes du pays qui regarde la mer, comme dans ceux de l’au-delà de l’océan.

Et si vous avez raté les 2 « premiers chapitres discographiques » de FLEUVES, vous savez ce qu’il vous reste à faire…

Gérard SIMON