Composant un brillant et fort attrayant programme, kost ar c’hoat, ronds de Loudéac, de Saint-Vincent, de Loudéa, hanter-dro, an dro, gavotte, pachpi, vont, certes, tout au long de votre écoute vous titiller le pas, mais, également, ravir vos exigeantes oreilles.

Il faut dire que ce groupe d’expérience, fondé en 1993 dans la région brestoise, à Plougastel-Daoulas, est devenu en trente ans un groupe emblématique de la scène fest-noz, avec un son qui lui est personnel et bien reconnaissable.
Cet alliage de musique traditionnelle à danser et de rock progressif, savamment cultivé par la formation, lui préserve son identité bien marquée qui devient, en ces temps présents, agréablement atypique, eu égard aux nombre de productions actuelles qui utilisent, souvent, plus qu’abondamment, l’apport de l’électro.
Ici, ne filtrent que quelques bien discrètes programmations rythmiques, ou d’ambiances introductives.

Côté racines et inspiration, c’est, délibérément, au cœur des terroirs armoricains que le sextet puise son répertoire, qu’il s’agisse d’arrangements d’airs traditionnels ou de propres compositions.

10 titres, dont 9 à danser et, en guise de final, une courte et belle mélodie, jouée en hommage au sonneur de renom et passeur de mémoire de la culture bretonne, Hervé IRVOAS, père, décédé en mai 2022.
Pas moins de 45 minutes de musique vivifiante, ardente, volumineuse, toujours particulièrement travaillée, et comme le précise la jaquette, « enregistrée à la maison », pupitre par pupitre, puis mixée par Yvon MOLARD et masterisée, excusez du peu, par Patrice MARZIN.
Un remarquable enregistrement qui permet une écoute à bon volume avec une lisibilité instrumentale et une clarté de mise en espace fort appréciables, notamment, pour ce dense style de musique.

Pour ce disque, avec l’aide d’une plate-forme bretonne dédiée au financement participatif en Bretagne, autoproduit, FORZH PENAOS, c’est :

- Philippe BOISARD, aux flûtes traversières en bois.
Il a appréhendé et pratiqué la cornemuse au Centre Breton d'Art Populaire de Brest, avant d'intégrer le bagad PLOUGASTELL et de se tourner, finalement, vers la flûte traversière en bois, instrument étudié avec… Jean-Michel VEILLON !

- Sébastien CARNEY, aux guitares acoustiques et électriques.
L’artiste a découvert la guitare avec, deux Maîtres en la matière, Gilles LE BIGOT et… Soïg SIBERIL !

- Cédric MOIGN, au biniou et à la cornemuse écossaise.
Le sonneur est issu de la Kevrenn AN ARVORIG et s’est tourné un temps vers le rock celtique avec le groupe BLACK LABEL ZONE.

- Tanguy MOLARD, à la basse.
D’après le site Internet officiel de FORZH PENAOS, depuis l’enregistrement, c’est David BATON qui est, à présent, titulaire de l’instrument rythmique électrique.

- Yvon MOLARD, à la batterie et aux programmations.
Le batteur et percussionniste s'est initié à la caisse-claire au bagad de DOUARNENEZ, auprès de son père, Dominique.
En 1995, il démarre ses premières expériences de batteurs dans des groupes de rock et découvre le métal. Il créé le groupe « IN MEMORIUM » (métal symphonique) et se perfectionne dans les techniques de jeu propre à ce style musical.

- Christophe PERVES, aux bombardes.
Christophe a commencé la bombarde au bagad LANDI, dont il est devenu le directeur musical.

Au vu de cette distribution, des antériorités artistiques et instrumentales et des grands noms initiateurs des membres de FORZH PENAOS, on comprend très bien la diversité des colorations, des phrasés, des formes et des volumes que prennent, au cours de ce programme, la musique à danser signée de la formation qui devient, également, de la musique à écouter.

Après cette entrée en matière bien timbrée, vous apprécierez les lignes de flûtes, aussi bien lorsque, pour quelques mesures, les autres instruments lui font plus large place, comme dans le morceau éponyme « Roc », ou en quasi duo avec la batterie, dans « Les mains ».

Plage 4, la guitare électrique rageuse s’empare de l’hanter dro « Languidic », la bombarde s’enroule dans la rythmique, la flûte se fraye un passage, il y a une franche énergie, une force indéniable, non négociable.

Mais vous découvrirez, comme en plage 5, en première partie de « Landedark », des instants plus aérés, sinon aériens, où la guitare électro-acoustique dialogue avec la bombarde, puis la flûte, sur un tempo plus « chaloupant », avant que les « chevaux du moteur » de FORZH PENAOS, jusque-là, bridés ne tentent, in fine, une nouvelle charge, malgré une ultime tentative de temporisation initiée par la guitare électro-acoustique.

Artifice rarissime, une programmation lance et soutient le jeu rythmique de la guitare acoustique qui précède l‘entrée de la flûte et du biniou, mais ce sont les quelques et trop courts délires électriques d’une guitare improvisatrice et échevelée que vous guetterez dans l’an-dro, « Splann ».

En plage 7, « Tasie » ; sur un arrangement signé de FORZH PENAOS, la formation propose un Ton simpl gavotte, attribué à Fransoù Min - François LE MENEZ, célèbre chanteur de Poullaouen (1909-1970) - Moign, Madame MADEC… et les Sœurs GOADEC !, dont Anastasie… dite, Tasie !

Nous ne quitterons pas l’évocation du célèbre trio de chanteuses bretonnes originaires de Treffrin (22), puisque PORZH PENAOS nous propose en plage 8, « Doub’ doub’ », malicieusement sous-titré, « Beer time » (il y a temps pour tout… à la vôtre ! Oh pardon, Yec'hed mat !).
Dans cette suite de deux pachpi, impossible d’occulter, à l’écoute de la première pièce jouée en traditionnel biniou/bombarde, la version dudit passe-pied chanté et gravé en 6ème plage face A du disque « Les SŒURS GOADEC à Bobino - enregistrement public » (Le Chant du Monde - 1973).
Le pachpi, est une danse traditionnelle, européenne à trois temps. Vive et gaie, elle est proche du menuet, mais plus rustique et souvent, encore dansée en Bretagne.
FORZH PENAOS nous livre, ici, une version où la flûte et les instruments traditionnels fusionnent avec bel entrain.

Une dernière danse, pour l’extase finale, avec le morceau le plus long du programme (06:22), c’est le Ton doubl gavotte, astucieusement titrée « X-Tasie » et son panoramique final sur les six instrumentistes qui viennent, magistralement, de mener bal… et concert.

Le Compact-Disc « Roc » se conclut, délicieusement, par une trop courte mélodie (01:31) titrée, par FORZH PENAOS, « Herv’ Koz ».
Cette dernière pièce est inspirée par la gwerz « An dragon yaouank », que, notamment, la fort regrettée Louise EBREL (1932-2020), déchirante d'émotion, avait interprétée, à Brest, en 2007, lors du concours de la première manche du Championnat de Bretagne des Bagadoù de première catégorie, au sein d’une suite composée sur les airs du pays « montagne », jouée avec les sonneurs et batteurs du bagad RONSED MOR, quatorze violonistes et… le couple koz, RIOU-IRVOAS !
C’est, simplement et magnifiquement interprété en couple biniou/bombarde que FORZH PENAOS rend hommage au sonneur destinataire pré-cité.

Cet opus « Roc » de FORZH PENAOS est très vivifiant, décoiffant, puissant, bien sûr, dansant, mais très attractif à l’écoute et la ré-écoute.
Les initiales formations et antérieures pratiques approfondies de sonneurs suivies et exercées par la moitié des musiciens au sein de bagadoù, assurent une authentique et ample base traditionnelle, tandis que les « cordistes » électro-acoustiques, électriques et rythmiques, sculptent autour d’un batteur omniprésent, le style rock progressif, incontestable marqueur identitaire du groupe.

Au choix, dans votre discothèque, après moult écoutes qui vous raviront, vous classerez ce 5ème CD de FORZH PENAOS, dans « musique rock bretonne », « à danser »… « à écouter » ; à vous de voir, plutôt d’entendre.

Le disque est distribué par COOP BREIZH ! En ligne ou dans les magasins, achetez-le, les yeux fermés et les oreilles grandes ouvertes !... Vous ne serez pas déçus.

Gérard SIMON