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Carlos NÚÑEZ - "Celtic Sea" |
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Un « album-concept » est une terminologie discologique, discographique, qui traduit la volonté, de la part d'un artiste, de créer une œuvre où toutes les séquences musicales enregistrées sont, globalement, liées à un thème, une idée ou une histoire. Cette présente et nouvelle création musicale conçue par Carlos NÚÑEZ correspond, en tous points, à ces caractéristiques. |
Quant à la cohérence de l‘esthétique, les compositions originales de l’artiste, les interventions et les couleurs instrumentales savamment distillées par ses nombreux et excellents musiciens, ne sont pas en retrait d’une certaine et volontaire homogénéité qui, néanmoins, laisse filtrer, au fur et à mesure des morceaux, de bien perceptibles différences mélodiques et rythmiques qui annihilent, de facto, toute lassitude d’écoute. « Celtic Sea » est le titre donné à ce grand voyage maritime, qui vous embarquera, selon l’ordre du programme proposé, au Pays de Galles, en Ecosse, à l’Ile de Man, en Galice, en Cornouailles anglaises, au Pays basque, aux Asturies, en Cantabrie, dans le Léon breton, en Irlande et même en Normandie. Et c’est là, où l’idée de l’« album-concept » se renforce, plus encore, puisque, pour cet opus, les voies de la celtique création artistique empruntées par Carlos NÚÑEZ, croisent, en référence à ces mêmes lieux susnommés, les voies de navigation d’une compagnie française dont le siège est… en Bretagne ! C’est cet événement anniversaire qui est à l’origine de ce nouvel enregistrement réalisé par le célèbre « maestro de la gaïta et de la flûte ». Cette démarche reliant « commercial et culturel » qui peut questionner quelques âmes timorées, nous parait, plutôt intéressante. « Produit en Bretagne », certes de texture associative, mais à finalité économique, ne décerne t elle pas un prix musical dont les lauréats ont été, en 2023, Madelyn ANN et 'NDIAZ, chroniquée, par ailleurs, sur nos pages en ligne ? Brittany Ferries entretient une relation évidente et particulière avec l’artiste galicien qui personnalise le lien entre la culture celte et l’arc atlantique, la Compagnie, pour sa part, unissant les régions celtes entre elles. De son côté, Carlos NÚÑEZ, énonce : « Celtic Sea » a donc, comme l’illustre la photo signée de Xurso NÚÑEZ qui accompagne notre chronique, été composé à bord des navires de la Brittany Ferries. Le programme s’articule en trois principaux temps : Vous passerez la coupée de l’opus avec « Mare Brittanicum », titre faisant référence au nom latin et médiéval de la « Mer Celtique ». Cette première ample et solennelle pièce, aux parties composées ou arrangées, à partir du répertoire traditionnel, par Carlos est désormais l’hymne officiel de Brittany Ferries. Celui-ci sera diffusé sur tous les navires de la flotte et sonné lors des évènements de la compagnie maritime. Puis vient la joliment entêtante marche, cœur de cet hymne, « Mare Brittanicum », dont la potentialité d’un crescendo se laisse entrevoir dès les premières notes, soulignée par la harpe et l’enchanteresse flûte de Carlos qui marque, déjà, au-delà de son chant, un tempo assuré. Comme lors d’un concert de musique classique où la symphonie d’un célèbre compositeur peut-être précédée, distinctement, par une ouverture, nous voici, après ce magnifique hymne qui peut en faire office, rendus à l’impatiente écoute de la pièce maitresse de l’album, définie par Carlos comme une symphonie… Voici « Celtic Sea » ! De plus, contrairement à une œuvre symphonique classique où les différents mouvements sont scindés par quelques instants de silence, le musicien galicien a lié, sans aucune césure, les trois parties constituantes que nous avons évoquées, plus en amont de ce papier. |
Carlos NÚÑEZ © Photo de Xurso Núñez (Extrait du making of "Celtic Sea"). |
S’agit-il d’une analogie avec Castro de Viladonga, situé à une trentaine de kilomètres de la ville de Lugo dans la commune de Castro do Rei ? En tous cas, nous sommes bien sur la route des celtes, puisqu’ Il est généralement admis que la culture des « castros », villages fortifiés pré-romains, commence à se développer à la fin de l’âge du bronze, résultat d’une forte influence culturelle celte sur les populations indigènes de la péninsule ibérique. |
Toujours sans rupture de piste, dans la foulée d’une même rythmique suit, illustrant les Cornouailles anglaises, un véloce solo d’accordéon, rejoint par la flûte, créent, in fine, un harmonieux duo. Voici, en position 5 du programme, « Land’s End ». C’est ainsi que, dans cette symphonie, tous les morceaux représentant des pays celtiques frères, toutefois différents, mais qui, dans l’esprit interceltique cher, viscéral, essentiel à la création, la vie du musicien, apparaissent culturellement étroitement reliés, notamment par les ancestrales routes maritimes, sont, dans cet enregistrement, très habilement, concaténés. C’est là, entre autres, le coup de génie de l’artiste galicien qui a su rapprocher des thèmes, des ambiances, des structures musicales et rythmiques, parfois assez éloignées, mais qui ont des connexions communes. Nous nous garderons bien de feuilleter, page par page, ce carnet de bord inspiré des voyages effectués par l’artiste sur les navires de la compagnie, d’autant que l’osmose entre les morceaux est plus que réussie et qu’il ne faut en briser l’interdépendance. Si tous les morceaux de cette symphonie « Celtic Sea » ont, sans réserve aucune, ravi notre attentive écoute, nous avons été, particulièrement captés, parfois, même, par de trop courtes pièces, comme « Xana », dont le tire est le nom que reçoivent dans la mythologie asturienne et léonaise (pas du breton bro Léon, mais de la province de Léon dans le nord-ouest de l'Espagne), les fées d'eau douce. En piste 10, nous avons, aussi, été séduits par « Saint-Pol-de-Léon », cette fois, l’une des plages des plus étendues du Compact-Disc. On pouvait envisager un tel plus large développement mélodique, puisqu’aux yeux et au cœur de Carlos NÚÑEZ, la Bretagne tient une place prépondérante. N’est-elle pas le centre géographique de tous les Celtes de l’arc atlantique qui, de ce fait et, notamment, par son festival annuel de Lorient, cultive un profond esprit interceltique ? Passant du « Mont Saint-Michel », que c’est bien connu du proverbe breton, le fleuve Coueron dans sa folie a mis en Normandie… mais dans sa raison le rendra aux bretons !, à « Compostelle », avant de rejoindre « Finis Terrae », terminologie qui lie l’ouest breton à l’ouest galicien, le final de « Celtic Sea » est, aussi, à nos yeux, mais surtout à nos oreilles, un très beau moment du disque. Le maritime, celtique, onirique voyage se conclut par une ultime et distincte escale, non pas de la symphonie, mais de l’opus … C’est le réveil (« Dihun »). Alors, bien sûr, dans ce disque, mettant en lumière des formes structurelles diverses et spécifiques, il y a de superbes mélodies originales ou issues des répertoires traditionnels des pays celtiques, ciselées, à la composition par l’artiste galicien et à l’exécution par un aréopage de musiciens d’exception. Non pas, par paresse rédactionnelle, vous vous en doutez, mais par rigueur du propos et parfaite explicitation de ce que nous ne venons, ci-dessus, qu’évoquer en terme de sonorités, nous laissons à Carlos le soin de vous révéler quelques coulisses instrumentales. Carlos explique : Grand temps est venu, venant de tous les pays celtiques, de citer les 13 musiciens associés à la pléiade d’instruments qu’ils pratiquent, ce qui vous donnera, également, une idée de l’étendue de la palette de sonorités dont vous pourrez vous délecter. Carlos NÚÑEZ : Flûte, Gaïta, Ocarina / Galice – Espagne Au cours d’une interview donnée à Radio BOA, nouvelle radio associative régionale en Bretagne (Voir site), basée à Quimperlé (29) qui depuis le 12 juillet 2023 émet sur 13 premières villes et pays bretons en DAB+, Carlos NÚÑEZ précise : Hormis pour quelques séquences additionnelles, l’enregistrement a été, principalement, réalisé, à Vigo, au Planta Sonica 2 (Voir site), par Xurso NÚÑEZ, Pancho SUÁREZ DE LIS et Anton CARTELLE. Le mixage est de Xurso NÚÑEZ. Et le résultat de ces deux étapes techniques est… convainquant ! Paru chez ARFOLK, le presque tout nouveau label breton, à qui, pour que la musique bretonne, celtique vive, toujours, plus intensément, nous souhaitons le meilleurs des vents d’Ambisagrus, « Celtic Sea » se révèle comme un remarquable « album-concept », une œuvre aboutie signée de ce grand connaisseur (3 livres), défenseur, passeur, compositeur, interprète de la musique celtique, qu’est Carlos NÚÑEZ. « Celtic Sea » est, certes, une œuvre pour la Brittany Ferries, mais avant tout, pour tous ceux qui apprécient dans l’intergénérationnelle musique celtique, notamment, sa transversalité, parfaitement maitrisée par l’un de ses principaux ambassadeurs, dans le monde. De plus de 40 minutes, véritable ode à la mer et à l’interceltisme qui relie des peuples au-delà des frontières, ce Compact-Disc a toute sa place dans votre exigeante discothèque, et mieux, encore, sous le faisceau laser de votre platine de qualité. A l’époque où les rythmiques prédominent, voici une très belle traversée sur l’océan des mélodies. Gérard SIMON |
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Nous vous proposons d'écouter un medley de 3 extraits de l'album : « Ar mor », « Saint-Pol-de-Léon » et « Glendalough » - (06:42). |
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Les titres du CD de Carlos NÚÑEZ - "Celtic Sea" : MARE BRITTANICUM (Hymne de Brittany Ferries). Durée totale : 42:32. |
CD de Carlos NÚÑEZ - "Celtic Sea". |
© Culture et Celtie |
Illustration sonore de la page : Carlos NÚÑEZ - "Introduction de Mare Brittanicum" - Extrait de 00:46. Le site officiel de Carlos NÚÑEZ : www.carlos-nunez.com |