Gilles LE BIGOT

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En effet, « Bale », est principalement dédié aux danses de Bretagne et, comme sus-évoqué, composé de 21 airs de danses répartis dans 6 suites, ainsi que 2 ballades, 1 marche, 1 mélodie et une valse lente.

Mais qui est, au-delà de l’invitation à la danse, ce « poète de rimes cristallines et celtiques cordées » qui nous convie, avant toute esquisse de pas marqué par le tempo, à de mélodiques et virtuelles foulées qui, sur les chemins de terre, nous conduisent d’Argoat en Armor, avec, pour port d'attache, Douarnenez, où ce musicien, d’origine briochine, a vécu une trentaine d’années ?...

Rien que par ces quelques notations, vous aurez, sans aucune difficulté, reconnu Gilles LE BIGOT, virtuose instrumentiste de la guitare celtique, pratiquant l’accordage le plus utilisé en musique bretonne, celtique, dit, en accords ouverts ou, D.A.D.G.A.D., référence à la notation anglo-saxonne de l’open tuning, correspondant aux cordes ré, la, ré, sol, la et ré.

Pour nombre de nos lecteurs, à l’énoncé de ce référent nom, leurs reviennent, immédiatement, en tête, ses nombreuses aventures musicales et de premier plan, dont l'HERITAGE DES CELTES de Dan AR BRAZ, KORNOG, BARZAZ, SKOLVAN… sans compter ses participations scéniques et/ou discographiques avec de nombreux artistes de la scène internationale tels que, pour ne citer qu’eux, Donal LUNNY, Karen MATHESON...

Après, marqué par la notion de groupe, un conséquent parcours artistique qui va bien au-delà de cette antérieure et trop restrictive énumération, « Bale » est, de fait, le premier enregistrement, réalisé entièrement en solo, par Gilles LE BIGOT.

Un album solo de guitare, sans musicien invité, sans, derrière la console, le moindre re-recording, sans artifice additionnel synthétique ? Ne craignez rien ! Par le jeu étendu, expressif et chaleureux de Gilles LE BIGOT, ce disque n’engendre, au fil de son écoute, aucun signe de lassitude…
Bien au contraire, nous l’avons, malgré ses près de 45 minutes trouvé trop court.
Comme nous, amoureux de la guitare… et de la Bretagne, vous écouterez, sans nul doute, cet opus en boucle, avec, à chaque passage, toujours de nouvelles découvertes.

De surcroît, le musicien breton a eu la riche idée d’inscrire sa musique dans son contexte, en ponctuant sa narration musicale de paysages sonores caractéristiques de la Bretagne.
Ceux-ci ont été enregistrés, captés, par lui-même.
Par exemple, dans le cadre du concours annuel de chevaux à Bulat Pestivien (2022), ambiances et chant d’appel à la danse préfacent, en piste 2, « Foar Bulad » ; au concours de danse Meliaj de Saint Brieuc (2018), avec un court extrait de la chanson « An dragon Yaouank », composition de Yannig AUDRAN, notamment, ancien Penn-soner de la KERLENN PONDI, trop jeune cinquantenaire disparu, en 2021, introduit trois airs d’Hanter-dro, dont le premier est signé de, l’également, fondateur de DIWAN PONDI et membre du groupe de musique KERBEDIG.
Plage 11 : 28 secondes de cornemuse reprennent, « Enez iog », une composition d’Herri LEON (1933-1962), jouée par Hervé LE FLOC’H, du Bagad CAP CAVAL, précédant cette même marche jouée, à la guitare, par Gilles LE BIGOT qui rend, ainsi, hommage au premier nommé, créateur, en 1961, du Scolaich Beg an Treis, à Porspoder, première école de biniou braz, en Bretagne.

Belle idée, en tous cas d'avoir élaboré ces liaisons, sous forme de quasi-reportages.
Chaque contenu, est de plus, très est très bien documenté sur les deux pans internes du sobre, mais fort élégant triptyque cartonné qui contient et présente le Compact-Disc.

Ce sont, donc 17 titres et paysages sonores qui vont « peindre et dépeindre », cette très attractive balade musicale, durant laquelle, Gilles apparaît comme un véritable sonneur de guitare !

Gilles LE BIGOT a, comme le précise la jaquette, enregistré les traditionnels, les compositions des autres et ses propres créations, en utilisant deux guitares.
- 9 morceaux ont été joués sur une guitare LPR OD28 façonnée par le luthier costarmoricain de Trégueux, Rémi LE PRAT (Voir site).
- 3 pièces ont été interprétées sur une guitare canadienne, modèle J.P. CORMIER, de chez « Boucher » (Voir site).

Au cours de ce programme, nous retrouvons des compositions figurant, avec des noms différents, sur des albums de Gilles (Empreintes #2), de SKOLVAN, « Kerzh Ba’n’ Dans » (1991), « Cheñchet’n eus an amzer » (2000), voire de GALORN (1978), alors, groupe de fest-noz créé, avec, notamment, le flûtiste Jean Michel VEILLON.

La prise de son des guitares a été réalisée par Ronan LE GUILLOU, au studio BOOZOOQ d’Iffendic (35) (Voir page).
Comme nous l’avons vu, plus haut, dans cette chronique, les prises de son additionnelles d’ambiances ont été enregistrées par Gilles LE BIGOT.
Le mixage de toutes ces sources a été peaufiné par Alain GENTY (Du groupe breton BARZAZ), musicien que nous avions « rencontré » sur nos pages en ligne avec le projet « Eternal tides » d’Alain GENTY et Joanne MCiver (Voir chronique).
Le mastering a été confié à François ROULIN
Résultat de ces trois « regards », est né un enregistrement, chaleureux, tout en rondeur, en nuances et puissance, qui porte un attrayant voyage, une intime balade.

Nous en avons, très sincèrement, apprécié, sans restriction aucune, toutes les « haltes », à commencer par la première, titrée « Le Rosmeur » qui est un hommage à un ami douarneniste, disparu, en 2010, qui vivait et travaillait dans ce quartier du centre ville qui porte ce nom.
Précédemment enregistré, cette même année, sous le titre « Sadorn noz » sur le disque de Gilles, « Empreintes #2 », le guitariste nous livre, ici, une version particulièrement déliée, autant mélancolique que lumineuse.

Dans un tout autre style, puisque, cette fois, dansant à souhait, nous avons beaucoup aimé « Chas’Du » (chiens noirs) qui nous propose deux airs traditionnels de Laridé issus du répertoire des sonneurs de bombarde et binioù kozh, joué, avec SKOLVAN, sur « Cheñchet’n eus an amzer ».
C’est, magnifiquement, marqué, enlevé, aérien, Gilles devient, alors, un véritable « Penn gitar-soner » !

Si, au cours de cette romantique et fort vivante balade, l’artiste fait resplendir, sous ses doigts agiles, autant de paysages et de figures qui font ou ont fait la Bretagne, il n’oublie pas de nous glisser, en plage 15, une magnifique photographie de l’Irlande que, depuis,1976, il a parcouru, nous confie-t-il dans le commentaire du livret, de long en large.
Pour « Valse irlandaise », comme sur les traces de Turlough O'Carolan, la guitare, en fluides pleins et déliés, semble devenir harpe…

Du groupe, au trio, puis, au duo, voici, à présent, avec « Bale », un Gilles LE BIGOT en fort brillant solo !
C’est le fruit des ses différents rôles, d’accompagnateur, arrangeur et compositeur qui ont, au cours de 40 années et plus de 40 disques, façonné la plénitude de son art qu’il maîtrise, aujourd’hui, sans rien d’autre que son exceptionnel et propre talent, nourri et amplifié par un continuel travail de fond.

Du Finistère, en côtes d’Armor, en transitant par le Pays vannetais, le Bas-Léon ou le Pays de Pontivy, avec des évocations de chanteurs, comme Marcel GUILLOUX, pour le Plinn, Jean Pierre QUERE, pour la Gavotte et Gilbert BOURDIN, pour le Rond de Saint-Vincent, suivez, sur « Bale », les enracinés pas d’un guitariste essentiel à la musique et la culture bretonne, celtique.

Grâce à ses qualités artistiques et techniques, vous serez avec « Bale », très personnel album à entrer, au plus vite, en votre discothèque, mais, surtout, à écouter et ré-écouter, dans toutes les acceptions de l’expression, au plus près du guitariste breton.

Comme il y a de grandes voix en Bretagne, il y a d’imminentes cordes en Armorique, en celtie …
Gilles LE BIGOT en est l'une des très représentative figure de proue.

Gérard SIMON