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Interview de Gilles SERVAT

Gérard SIMON de C.C. Magazine :
« Merci, Gilles de bien vouloir répondre aux questions de Culture et Celtie, interrogations sincères et admiratives, à votre égard, puisqu’ il y a de nombreuses années que nous vous suivons ».
« Ma première question sera la suivante :
Venir chanter au Pardon de la Baule, au cœur du Pays Blanc, que vous connaissez très bien, est-ce, pour vous, une démarche sentimentale, artistique, militante ou les trois, à la fois ?… »

Gilles Servat :
« Euh… ce n’est pas militant, on me demande de venir chanter au Pardon de la Baule, je le fais volontiers, moi ça me rappelle des tas de souvenirs, des souvenirs d’enfance… Donc, je suis très content de venir ici, spécialement, mais ça ne relève pas de l’acte militant, ça relève plutôt de la vie de chanteur… »



C.C. :
« Donc plutôt de l’aspect artistique que j’avais évoqué, l’envie de retrouver un pays, avec « deux doigts d’aspect sentimental ».

GS :
« Bien évidemment, c’est un truc particulier pour moi ».


C.C. :
« Le programme, que vous proposerez, ce soir, sera différent de celui que vous avez laissé composer, je dirais, démocratiquement par votre public ».

GS :
« Non, non... »

C.C. :
« Il y aura bien les 35 titres ? »

GS :
« Il n’y aura pas les 35 titres, nous n’avons jamais "fait" les 35 titres, c’est trop long. On a fait, d’ailleurs, c’est un peu ça, la surprise pour les gens qui savent quels titres ont été choisis, nous faisons entre 25 et 30 morceaux, parce que 35, c’est trop long...
Nous jouons suivant les musiciens qui sont là : Il y a les spectacles avec 5 musiciens et les spectacles avec 3 musiciens, donc il y a des chansons qui sont « faites » avec 3 musiciens qui conviennent bien à cela. Il y en a certaines qui ont besoin d’une batterie, derrière, etc… Donc, nous attendons que le batteur soit présent pour les interpréter, ce sont, à peu près, les critères de choix.
Ce soir on va faire un truc que je n’ai, encore, jamais fait dans cette tournée là, je vais jouer un petit peu de
guitare
».

C.C. :
« C’est une première, ce soir ? »

GS :
« Dans cette tournée là, oui ! Nous verrons ce que cela donne, parcequ’il y a une chanson qui s’appelle « l’Ile de Groix ».

C.C. :
«…Que vous répétiez, tout à l’heure… »

GS :
« Oui, je ne l’ai jamais "faite" encore et elle a été choisie par les gens, nous allons l’enregistrer, ce soir, et pour celle-ci il faut que je joue de la guitare. Je vais en profiter pour en jouer sur deux autres chansons ».

C.C. :
« En tout cas c’est une belle surprise ! »
« Le moulin de Guérande », nous l’avons entendu tout à l ’heure en répétition, figurera, bien-sûr, dans votre programme de ce soir.
Dans le contexte de ce titre, pouvez-vous nous rappeler l’époque, où, pour reprendre les paroles de cette magnifique chanson, votre grand mère : « de son balcon, illuminé de bouquets, regardait les quais… ». Cela évoque le Croisic, où nous sommes, nous-mêmes, ancrés. Pouvez-vous nous raconter cette période, il s’agissait de quelles années et quels souvenirs en gardez-vous, bien que vous le décriviez, déjà fort bien, dans la chanson ? »

GS :
« Je suis né en 45... on a dû venir ici en 46, j’avais un an, puis, jusqu’en 57. Nous sommes allés, d’abord, à Saint-Goustan. Nous campions, à côté de Port lin ».

C.C. : « … Au clair sablier de Port lin…», comme vous le chantez dans le « Moulin de Guérande ».

GS :
« Voilà, je faisais partie du club ! (rire)
Ma grand-mère habitait, au-dessus de la pharmacie
».

C.C. :
« Si le public plébiscite toujours, et de loin, le titre emblématique « La blanche hermine », peut-on vous demander, quel est, pour vous, le titre que vous aimez, le plus, interpréter sur scène. Il y en a un ou bien plusieurs ? »

GS :
« Il y en a plusieurs. La chanson qui a été le plus demandée, on s’y attendait, c’est effectivement « La blanche hermine ». En deuxième position, arrivait le titre « Je vous emporte dans mon cœur », ce qui était moins attendu. Et puis, j’aime bien chanter « Eléanor ». Nous n’allons pas la chanter ce soir, car nous la faisons au piano. Puis, du dernier disque, j’aime bien celles qui ont été choisies par les gens : « La montagne de Brasparzh », « Si tu t’en
vas », « Danser la Gavotenn » et « Bleuenn
».

C.C. :
« Revenons à « La blanche hermine ». Dans le port du Croisic, il y a un bateau qui porte ce nom et vous m’aviez dit, il y a quelques temps, que vous aviez, encore, un membre de votre famille qui était pêcheur ».

GS :
« Mon oncle était pêcheur au Croisic, mais actuellement je n’y ai plus de famille ».

C.C. :
« Donc ce bateau n’a rien à voir ? »

GS :
« Le bateau de mon oncle, lui, s’appelait « La Sorcière ». Il avait deux bateaux, il y en a un qui fait partie d’un Musée ».

C.C. :
« Pas de « Blanche hermine », juste votre présence, au travers de ce nom . »

GS :
« Je ne savais pas qu’il y avait un bateau, au Croisic, qui portait ce nom. A Nantes, il y a un bistrot qui s’appelle
« La blanche hermine ». Il y a également une bière
».

C.C. :
« Il y a de bonnes bières en Bretagne », il faut le souligner. (rires)
« Votre dernier album de « Cuivre et d’eau » est splendide …
Difficile d’émettre des préférences entre poésie, rythmes de danses et messages ?
Un titre « le général des binious » est dédié à Polig Montjarret…. »

GS :
« Il a été choisi, d’ailleurs, par le public, cela nous a beaucoup étonné car ce titre est sorti depuis moins d’un an et que, déjà, celui-ci ait été choisi prouve quelque chose. Je trouve que dans le choix des gens il y a beaucoup de démenti, à ce que veulent nous faire croire les programmateurs de radio. Lorsque je fais mes spectacles, quand je chante « Eléanor » ou « Si tu t’en vas », par exemple, dès les premières notes, les spectateurs applaudissent. Ce ne sont pas des chansons « boum ba da boum ». Cela prouve bien, aussi, que les gens ont besoin de chansons comme ça».

C.C. :
« Heureusement que, comme vous, des artistes, comme Claude Besson, Alan Stivell, chantent, sur scène, des chansons qui ne sont pas programmées en radio. Nous en avons besoin, arrêtons tout formatage, nous avons besoin de ces musiques qui touchent le cœur... »
Pour en revenir au « Général des Biniou » nous voyons l’ importance qu’à joué Pollig Montjarret dans toute la musique bretonne. A un moment, vous dîtes, puisqu’il y a aussi des passages parlés, dans ce morceau :
« A quelle musique serions-nous condamnés ou même soumis !...»
Justement, si nous "focalisons" sur la musique bretonne, que pensez-vous, aujourd’hui, de son
évolution ?
Quels sont les chanteurs ou groupes bretons que vous considérez, à ce jour, comme porteurs de renouveau et de pérennité pour la musique bretonne ou plus largement celtique ? »

GS :
« Là, dans les dernières années, nous avons entendu plusieurs voix qui se sont mises à chanter et qui sont très intéressantes. Il y a, Denez Prigent, bien sûr… Il y a Nolwenn Korbell ».

C.C. :
« Elle sera, d’ailleurs, au Pardon de la Baule, ce samedi 26 Août … »

GS :
« Elle a une superbe voix, de la présence, de « l’abattage », là c’est bien parti, quoi. Autrement, il y a… »

C.C. : « …Puis-je vous souffler Dom Duff ?... »

GS :
« … Ah, Dom Duff, oui !… que je connais bien, c’est un type super sympa, en plus… il aurait besoin d’un bon producteur pour sortir des disques d’une meilleure qualité, encore, mais au point de vu chant et composition, il a de l’énergie, et puis, c’est un mec qui est sympa ! »

C.C. :
« Nous l’avions rencontré à Saint-Nazaire, au cours de la Gouel Erwann, et justement, nous avions senti tout ce qu’il avait vraiment envie de sortir, de lui-même. Moi aussi je crois que c’est quelqu’un qui va apporter un plus à la musiue bretonne… Dans le magazine « Bretons », qui vient de sortir, Alan Stivell souligne sa présence dans le nouveau paysage celtique ».

GS :
« … Oui, Il a parfaitement raison ! Dom Duff a une originalité, en plus, d’une personnalité » .

C.C. :
« Très « respect terroir », mais, aussi, très actuel, en fait. Il y a un très bon mélange entre l’enraciné et l’évolutif ».

GS :
« Il n’a pas encore la renommée qu’il mérite. Ce que je trouve bien, dans la musique bretonne actuelle, c’est qu’il y a une ouverture. Ce ne sont pas des gens qui sont repliés sur eux-mêmes du tout, contrairement à ce que l’on veut bien dire ».

C.C. :
« Lorsque l’on parle de Gilles Servat, beaucoup disent : « c’est le plus Irlandais des bretons ». Comment vous situez-vous par rapport à ce cliché ? ».

GS :
« C’est un cliché ! Je ne suis pas le plus Irlandais des bretons. Ce n’est pas parce que je suis allé en Irlande et que je connais un coin d’Irlande (rire)… Nicolas Quéméner, qui m’accompagne à la guitare, la connait, autant que moi.br> Moi j’ai eu droit à tout, à tous les clichés : « Le menhir », « Servat la colère », etc… Mais, petit à petit, cela passe.
C’est vrai, je suis allé en Irlande et j’en ai beaucoup parlé. Evidemment, je fais des chansons sur l’Irlande, ça m’influence beaucoup. Je voudrais mettre ça dans un bouquin, sur ma façon de composer maintenant, voir comment les Irlandais chantent. C’est certain, j’ai subi une influence maxi, mais bon, pas plus que les « Triskells ».
En fait, je ne suis pas le plus Irlandais des Bretons. C’est un journaliste qui a inventé ça, je ne sais pas pourquoi…
» (rire)

C.C. :
« Et ça court ! … »

GS :
« Et bien maintenant, une fois que c’est marqué… On est en train de se faire la guerre à cause de la Bible et du Coran… Une fois que c’est marqué, on a du mal à en sortir, après… Heureusement que les Druides n’écrivaient pas, sinon on viendrait nous faire chier avec ça ! » (rires)

C.C. :
« Gilles, vous allez, le 12 novembre prochain, chanter à L’Olympia. Depuis combien de temps n’y aviez vous pas chanté ?
Comme Alan Stivell, qui le dit depuis 1972, pensez-vous que pour mieux porter l’identité bretonne, il est nécessaire que celle-ci soit exposée à Paris ? »

GS :
« La dernière fois, c’était à l’automne 2000, je crois, puisque c’était au moment de la sortie du disque « Comme je voudrais ».
En ce qui concerne la deuxième partie de la question, nous ne pouvons guère faire autrement dans le cadre français. Il faut trouver un endroit. L’Olympia c’est symbolique, on ne peut guère faire plus. J’ai fait Bercy, le Stade de France, mais l’Olympia, justement, c’est une chouette salle. Je ne comprends pas pourquoi l’on n’essaie pas de la copier partout, d’ailleurs
».

C.C. :
« Même dans la nouvelle salle, vous sentez cette légendaire ambiance ? ».

GS :
« Ha, oui… oui !

C.C. :
« On parle toujours des vibrations qui, historiquement, y règnent ».

GS :
« Oui, oui, même s’il faut arrêter avec les fantômes ».

C.C. :
« Outre la sortie d’un CD-DVD live qui sera adossé à votre tournée, quels sont vos autres projets en matière musicale ou littéraire ? »

GS :
« Là, je vais écrire la suite de mes romans dès la semaine prochaine. Je vais faire un disque à l’issue de cette tournée « 35 ans, 35 titres » qui sortira au mois de Novembre 2006 ».

C.C. :
« L’album gardera le même nom ? »

GS :
« Il s’appellera peut-être autrement, mais il y sera toujours mentionné « 35 ans, 35 titres... »,
voilà !
»

C.C. :
« Gilles, je tiens à vous remercier infiniment pour ces instants et je dois vous dire, qu’à l’issue de cet interview et ce soir, après le concert, où nous serons, bien sûr, présents : « nous vous emporterons dans notre cœur .»

GS :
« Ah, merci, c’est très gentil ça ! »

Culture et Celtie remercie :
Gérard JOSSO, vice Président du Pardon de la Baule, qui a bien voulu coordonner notre rencontre avec Monsieur Gilles SERVAT. Anny MAURUSSANE, pour son habile et respectueuse transcription de propos enregistrés, finalemen, destinés à une version textuelle.



Gilles SERVAT et ses Musiciens
www.gillesservat.net



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