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Nolwenn KORBELL | www.nolwennkorbell.com |
L'Interview... |
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Gérard SIMON : « Merci, Nolwenn Korbell, de bien vouloir répondre à nos questions. Inutile vous dire que nous sommes ravis et très honorés que vous acceptiez de le faire… » Nolwenn Korbell : « Déjà, je n’ai pas pensé un jour : tiens, je vais faire quelque chose de différent, de nouveau, parce que, je ne crois pas vraiment à cela, c’est à dire, quand on fait quelque chose, ça vient toujours de quelque part, soit de ce que l’on a entendu, soit de ce que l’on a vécu… et moi, effectivement, ma langue est le Breton. |
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C’est ma langue maternelle, donc pour ce côté-là, de la langue, j’allais dire, il n’y avait presque pas de choix… c’est la langue que l’on ma transmise, par laquelle je vis, tous les jours, et, évidemment, quand je me mets à écrire des chansons, c’est dans cette langue-là que ça vient, … sur ce plan là, il n’y a, presque pas, le choix… Et, en même temps je me dis, aussi, il y a tellement de gens qui écrivent en Français… et dans ma culture, je pense qu’il manque, peut-être encore, et c’est même, sûr, des artistes qui créent et qui écrivent des nouvelles chansons dans cette langue-là, parce que ma mère, comme vous le disiez, était chanteuse traditionnelle et de cela, j’ai beaucoup entendu, toute ma jeunesse, et je sais qu’en Bretagne beaucoup de personnes font de la musique traditionnelle et chantent des chansons traditionnelles… et c’est très bien, mais c’est vrai que, moi, j’avais le souci de, peut-être, apporter autre chose et je me dis, quand même, une culture qui avance et qui vit est une culture qui crée, aussi…qui invente, autre chose, à partir de la tradition, mais qui fait avancer la tradition vers autre chose, parce que l’on a, peut-être tendance à oublier, le chant traditionnel a été, un jour contemporain et nouveau. Un jour des personnes ont inventé une chanson qui est devenue quelque chose qui est resté… » |
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GS : « Il y a le décalage du temps… » N K : « Oui, oui, et du coup, moi ça m’apporte, quoi… de faire avancer l’affaire et puis de créer des choses et surtout, que j’avais envie de faire une musique ou quelque chose qui me corresponde, vraiment, parce que je n’écoute pas beaucoup de musique bretonne, aujourd’hui. J’en ai beaucoup entendu, ça me touche beaucoup, j’aime en entendre quand je vais dans les festoù-noz, parce que c’est une musique à danser, pour moi d’abord, ce n’est pas vraiment une musique à écouter dans un concert, et j’ai entendu, beaucoup d’autres choses et mon père, même, s'il était sonneur dans un bagad, à Bourbriac et qu’il était, même mélomane, il a fait entrer beaucoup d’autres choses dans la maison : du blues, du jazz, de la musique du monde, de la musique classique, de tout… » |
GS : « C’était un univers très large, enraciné, mais multiple… » N K : « Oui, c’est cela, ça ne me suffirait pas aujourd’hui, moi, de ne chanter que des chants traditionnels bretons, ou de chanter que des chants à danser de fest-noz… ça ne suffirait pas à ce que je suis, à mon tempérament, et à ce que j’ai envie d’exprimer et ça ne suffirait pas, non plus, à combler mes goûts musicaux. GS : « Notamment du Barzaz Breizh… » N K : « Oui, du Barzaz Breizh… ou des choses de sorcellerie, ces complaintes étaient, pour moi, des histoires extraordinaires d’enfants cires, élevés entre la chemise et la peau, des trucs incroyables des infanticides, des amours malheureuses… » |
GS : « C’était le journal de l’époque… » N K : « Oui, oui, mais, en même temps, dit d’une façon belle et poétique. Ce n’est pas le truc cru et direct, il y a de la musique autour, il y a des rimes. » GS : « Une actualité enjolivée… » N K : « Oui, enfin où l’art intervient…où la poésie intervient… l’actualité ce n’est pas de la poésie… » GS : « C’est la matière… » N K : « Il y a le recul de celui qui l’a écrit, qui intervient… et, donc, toutes ces histoires, ça me plaisait de les recevoir, des les entendre et j’imaginais, sur ces histoires, toutes sortes de choses et je me faisais mes images et mes histoires et, à mon tour. J’ai voulu, aussi, raconter des histoires…parce que je suis comédienne et chanteuse…je fais vraiment les deux… » GS : « C’est pour cela, qu’en entrée, je vous parlais de votre parcours et de vos multiples influences que vous avez eues au début et, finalement, on y revient… » |
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N K : « Pour juste finir, la dessus, au départ j’ai choisi une voie… j’ai fait une formation de comédienne tout en continuant à chanter, quand même et je vois plus de liens entre les deux métiers que des choses qui les séparent… Cela relève, toujours, pour moi, de l’interprétation d’un texte, qu’il soit chanté ou parlé, qu’il y ait des notes autour… et même dans le parlé, il y a toujours une musique, parce qu’une langue qui est dite, a sa propre musique… GS : « Et de vous faire plaisir et de nous faire plaisir, croyez-le bien… N K : « Oui, le truc, ce n’est pas de rester à part. Trop souvent on se met à part ou on nous met à part, il y a deux langues. On co-existe avec deux langues, en Bretagne, enfin pour ceux qui parlent Breton ou qui l’ont parlé, qui le comprennent… ceux qui parlent Breton, sont, quand même, bilingues, aujourd’hui, on ne trouve plus de gens qui ne parlent que le Breton, c’est un fait historique. Aujourd’hui, tout le monde parle Français en Bretagne et certains parlent, aussi, Breton…donc, il n’y a pas à mettre certains de côté. Il faut faire avec cette cohabitation-là et je trouve dommage, de ne pas faire plus avec cette cohabitation. Ce n’est pas parce que l’on privilégie une langue que l’on doit en exclure une autre. C’est ce qu’a fait le Français, lorsqu’il est arrivé… non, une langue unique en France…le Breton terminé… Aujourd’hui, on commence à comprendre que le bilinguisme a ses atouts, évidemment et l’on voit que, dans d’autres pays d’Europe, on peut très bien, au Pays de Galles, en Ecosse ou en Espagne, en Catalogne, on peut vivre avec plusieurs langues dans un même pays. J’ai le souci de faire partager mes textes aux gens qui ne comprennent pas le Breton, parce que j’ai envie de les attirer vers ce qui me touche, me plait, plutôt que de dire : moi j’ai la chance de posséder cette langue, allez vous « faire voir »… je la garde pour moi… On n’en est plus là. |
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GS : « Ce que vous me dîtes, et vous me devancez, tombe très bien, j’allais vous poser la question suivante : N K : « Je n’en sais rien, je ne suis pas devin, je ne sais pas… » GS : « D’après vos constatations, vos échanges ; sur ce sujet.. » N K : « D’un côté il y a beaucoup d’enfants, de jeunes qui sont inscrits dans les écoles Diwan et bilingues. C’est un fait que les inscriptions vont en augmentant, c’est une bonne chose, d’un autre côté, les « Bretons bretonnants » de naissance meurent, tous les jours et il y a, quand même, un fossé entre les vieux qui possèdent cette langue là depuis toujours et ceux qui apprennent, et est-ce qu’il y a vraiment des liens entre les deux, ce n’est pas si évident que cela. Donc, ce n’est pas folichon, le tableau n’est pas très rose, même il est, un peu, gris. Mais moi, comme je suis de nature optimiste, je ne m’arrête pas là et je dis que tant que l’on sera deux ou un, il a quelque chose à faire… » GS : « Et tant qu’on partagera le Breton, ainsi, il sera toujours « sur la scène » |
N K : « Oui, oui, et ceux qui sont là et qui le possèdent, autant en faire quelque chose et autant montrer le beau côté de cette langue, de cette culture. On n’a plus le droit à l’erreur, il faut, au contraire, donner un bel écrin à ce qu’il nous reste, parce que c’est un trésor, qui est très très fragile… » GS : « Donner une écrin à ce bijou qu’est cette belle langue bretonne… N K : « C’est un ensemble… une chanson, c’est quoi, c’est un texte, une mélodie, un arrangement, des instruments qui vont jouer cette mélodie, c’est un tout… Pour moi, ce qui est à l’origine d’une chanson c’est l’écriture d’un texte et c’est la mélodie, après, on essaie de construire tout ce qu’il y a autour, pour rendre, au mieux, ce que l’on veut dire, dans le texte et la mélodie est là pour servir le texte et le texte pour rendre le rythme de la mélodie, en fait, tout est lié… GS : « Il y a parfois, au cœur de vos albums, un traditionnel qui vient se glisser au milieu de vos compositions. est-ce pour rappeler à celui qui vous écoute que vous êtes bien une chanteuse bretonne ou est-ce, pour vous-même, de vous « autoriser » des ailes en vous rappelant vos racines ? » N K : « Ah non, je n’ai pas à me rappeler de mes racines, elles sont là. Il n’ y a pas de soucis là-dessus. Non c’est simplement une histoire de faire plaisir… GS ; « Je faisais allusion à cette chanson… » N K : «… cette mélodie est très belle, le texte est très beau et j’ai très envie de chanter cela, et après, chacun y voit ce qu’il a envie, c’est aussi c’est, peut-être, montrer plus clairement, sur un disque de création, que la tradition n’est jamais loin et qu’on peut faire le pont et que le pas entre les deux n’est pas très grand, en fait… ce n’est pas parce que j’ai fait le choix d’écrire des chansons d’aujourd’hui que ce qui a été chanté pendant des centaines d’années, avant, est oublié et loin de moi… au contraire… » GS : « Il n’y a pas d’avenir, sans mémoire…plus on donne de cohérence à ces deux extrêmes, mieux la création s’intègre au fur et à mesure du temps… » N K : « Il y a, par exemple Pascal Lamour… » GS : « …Qui travaille avec Dom Duff » NK : « Et par lui-même… il fait de la musique, un peu, électro, et qui s’amuse à faire des boucles des choses, électroniques, mais à partir de chants et de collectages…et qui fait des mélanges, et je trouve cela intéressant, c’est bien que cela existe… GS : « Vous pensez que ces personnages font avancer la musique bretonne en respectant l’authenticité de ses racines ?… » NK : « …Oui, mais c’est toujours bizarre, cette histoire d’authenticité des racines… (sourire étonné de Nolwenn) GS : « Non, c’est vrai… » NK : « A chaque fois, est ce qu’on lui dit : oui vous faites de la chanson française en ayant le souci d’authenticité de vos racines… c’est bizarre, car je crois que c’est parce que c’est encore nouveau, en Bretagne, et c’est n’est pas encore naturel dans l’idée du public de créer des chansons en Breton. Comme si, jusqu’à maintenant, le breton était cantonné, justement, à la tradition et la vieille chanson… GS : « C’est là où ça se trouve, forcément, plus marqué, notamment pour celui qui ne partage pas la langue…ça donne une typologie plus particulière… » NK : « Oui, mais pourquoi ?… moi, c’est une langue que je vis tous les jours. Je fais du doublage en breton pour TV Breizh, je parle Breton à mon fils, tous les jours. C’est une langue du quotidien, c’est une langue que je vis totalement, tous les jours, donc une langue vivante… Pour moi, ça me fait bizarre que l’on me pose ce genre de questions…Comme si.. oh là là !… on touche à la langue des ancêtres… Non c’est une langue vivante, d’aujourd’hui, on peut en faire ce que l’on veut, à partir du moment où l’on en fait quelque chose… si on en fait quelque chose de bien, c’est mieux, mais je ne vois pas pourquoi quelqu’un prendrais du Breton « pour faire de la merde !… » (rires) GS : « En fait, cela peut arriver aussi, si on accepte totalement cet aspect… » (rires) N K : « A la limite pourquoi, pas ? » (rires) GS : « Ce n’est pas le critère de qualité ou pas, je pense vous rejoindre sur ce point. N K : « Ca s’est passé très différemment, dans les trois cas, en fait… GS : « Nous l’avons rencontré, Dom Duff, il est charmant… et Gilles, alors… ? » N K : « Gilles, je le connais, presque, depuis que je suis gamine… on s’est trouvé, dans une fête, aux Tombées de la Nuit, à Rennes, où il y a plusieurs chanteurs dans la soirée… et il avait une chanson qu’il devait faire en duo. Eh bien, il m’a demandé, puisque j’étais de venir…et puis que c’est quelqu’un d’adorable… » GS : « Vous avez bien fait d’être là, parce que le résultat est intéressant, quand même !… N K : (facétieuse) « C’est très indiscret… non je rigole… GS : « Je suis ravi de votre réponse… » NK : « C’est celle-là que vous vouliez que je vous donne, c’est incroyable !… » (rire) GS : « Non, non, mais, comme quoi je pense vous avoir comprise, je vous le disais tout à l’heure, je vous parlais de chansons, mais je vous parlais déjà de pièces et de scénographies, j’employais ces termes, car on sent cette puissance derrière votre création, il y a matière à créer, ce qu’on appelle un peu, le spectacle total, à tord ou a raison. Je voyais un aboutissement, presque naturel à tout ce que vous avez l’air de, je ne dirais pas de préparer, mais de générer…votre réponse est complètement naturelle… » NK : « Mais, en même temps, ça serait autre chose, sans être une autre chose, mais pour ce qui est de la chanson c’est de continuer à avancer et à approcher, de plus en plus, ce que j’ai envie de faire et c’est toujours à petits pas. Moi je n’ai pas le sentiment d’atteindre… j’ai fait un premier disque, je savais que je n’avais pas été jusqu’au bout de ce que je voulais faire et que ce n’était pas grave qu’il y en aurait, peut-être un deuxième où je pourrais aller encore plus loin dans ce que j’a envie, le deuxième est arrivé, mais j’ai encore, en plus, d’autres envies que je n’ai pas eu le temps d’atteindre, c’est la vie… » GS : « La vie est ainsi faite… » NK : « Le dernier vient de sortir, en mai 2006 !… » GS : « Un enregistrement public, éventuellement ? » NK : « Je ne sais pas, je ne sais pas… je ne vois pas ce que cela apporterait, pour l’instant, à la limite ce qui pourrait apporter, c’est un DVD, quelque chose de visuel, mais ce n’est pas indispensable, c’est pas de l’ordre dur rêve, on va dire… » GS : « On vous laisse dans vos rêves, Nolwenn Korbell et on vous remercie infiniment, du fond du cœur, de tout ce que vous avez bien voulu partager sincèrement avec nous, parce que cela s’est vu, et vous nous avez fait un grand plaisir… merci Nolwenn Korbell ». N K : « Bien c’est moi… c’est un plaisir pour moi, aussi. » |
Culture et Celtie remercie : Gérard JOSSO, vice Président du Pardon de la Baule, qui a bien voulu coordonner notre rencontre avec Madame Nolwenn KORBELL Anny MAURUSSANE, pour son habile et respectueuse transcription de propos enregistrés, finalemen, destinés à une version textuelle. |
© Culture et celtie |
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