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Annie EBREL : Lellig |
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« Lellig » ?… C’est le diminutif du prénom de la devenue fort célèbre et iconique poétesse bretonne, Anjela DUVAL, à l'état-civil, Marie-Angèle Duval (1905-1981), in fine, fille unique d'une famille de cultivateurs, une sœur et un frère étant décédés, avant sa naissance. Antérieurement à cette ample reconnaissance littéraire et linguistique, près de 500 poèmes sont parvenus jusqu'à nous, ce qui en fait l’un des poètes les plus importants du 20e siècle, en Europe, bien modeste paysanne, Anjela avait repris la ferme de ses parents. |
Anjela écrivait et parlait, alors, en français, aussi aisément qu’en breton, devenant, ainsi, au fur et à mesure du temps, une personnalité, à la fois, rurale et littéraire, emblématique locutrice et, pour nos jours, passeuse de la langue bretonne. « Lellig », c’est ainsi que, pour la mise en musique de 16 écrits de la poétesse trégoroise, l’ambassadrice du chant breton en France et à l'étranger et exceptionnelle voix armoricaine, Annie EBREL, a nommé son dernier opus, décliné, excepté pour deux titres, en compositions originales et quelques textes dits sur les notes d’une musique illustrative, spécialement, créée. « Lellig », c’est aussi, en 4ème plage de ce présent album, le titre d’une chanson assez évocatrice de l’isolement et des soirées de solitude, vécues par la cultivatrice, des instants propices à l’introspection qui ne renvoient, en réponse aux légitimes désirs de vie, passant, souvent par de salvatrices tentations, notamment, par des aspirations amoureuses, que déceptions, déboires, tromperies et trahisons qui, malheureusement, ponctuent, trop souvent, l’existence. |
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« Seule en sa demeure, sans époux et sans amant »… Effectivement, Anjela DUVAL était restée célibataire suite à son irrémédiable et déterminant refus de suivre dans l'exil des villes ou des pays lointains, l'homme qu'elle aurait aimé ; un marin qu'elle fréquenta, semble-t-il, entre 1924 et 1926. En écho à ces mots, un célèbre poème de la paysanne trégoroise, « Karantez-Vro - L’amour du pays », raconte la blessure de jeunesse au cœur d'une femme qui n'a pas voulu quitter sa Basse-Bretagne pour suivre le marin qu'elle aimait, un homme aux goûts si différents des siens ! |
« E korn ma c’hakon zo ur gleizenn Ret ‘voe dibab ‘tre div garantez |
« Une blessure gît dans un coin de mon cœur, Il me fallait choisir entre deux amours, |
Ce fort poignant, intime et décisif texte a été, originellement, mis en musique et chanté par Véronique AUTRET avec le groupe GWALARN, sur l’album « A raok mont pelloc’h », paru en 2000, puis, ré-édité en 2012. Devenue chanson, cette pièce autobiographique, dont Annie EBREL nous offre, ici, en piste 11, sur de mélancoliques ornementations instrumentales très inspirées, une version, particulièrement, intime et prenante, a été est reprise en 2010, dans des couleurs plus « pop-folk-groove », acidulé d’Uillean pipes et enrobé de violoncelle, par Nolwenn LEROY, en 10ème plage de son disque « Bretonne », ce qui a permis de révéler cet écrit majeur, et par voie de conséquence, Anjela DUVAL, à un nouveau, plus jeune et large public. De votre côté, vous avez pu « rencontrer », sur les pages de Culture et celtie, l’e-MAGazine, et sous la baguette de Christian DESBORDES, une transcription de « Karantez-Vro - L’amour du pays », pour et par l’Ensemble Choral du Bout du Monde, lors de la parution, en décembre 2018, de son album titré « Stér an Dour - Le sens de l'eau ». Plus récemment, en décembre 2020, lors de la parution du CD « Tan », c’est Bleunwenn, du duo VINDOTALE, qui nous en a proposé une vision musicale, articulée en deux volets stylistiques : acoustique, puis électro, avec des arrangements signés de Gwénolé LAHALLE qui, par ailleurs, assure, avec brio, la prise de son de ce présent album « Lellig. Revenons, plus précisément, à ce remarquable opus « Lellig » que nous offre, car c’est un véritable cadeau, Annie EBREL. Les compositions originales, majoritairement signées, de Ronan PELLEN, d’Annie EBREL ou, conjointement, des deux talents et les arrangements, en grande partie, réalisés par les trois musiciens, font que la musique reste, prioritairement, au service des mots et du chant. L’instant est venu d’évoquer ce fort brillant trio instrumental qui, intimement lié à l’« instrument vocal », joue, de fait, en quatuor. |
![]() Annie EBREL © Photo Gwénaël Saliou |
- Ronan PELLEN, qui a participé, aux côtés d’Annie EBREL au choix des textes d’Anjela DUVAL retenus pour la composition du programme, est au cistre (Instrument cousin des mandolines) et violoncelle. - Clément DALLOT, musicien et compositeur rennais, (TAOUK Trio, MODKOZMIK, SKY’ZON, NÂTHA, puis NÂTHA BIG BAND), est au piano et aux claviers. |
- Daravan SOUVANNA, musicien rennais, est à la guitare basse, instrument appris en autodidacte, avant de se former dans les classes de jazz des conservatoires de Saint-Brieuc et de Rennes. Leur association artistique est des plus réussies. Le piano est, tour à tour, jazzy, concertant, profond, les claviers flirtent, parfois, avec les sonorités d’une scie musicale ou d’un orgue Hammond, le cistre semble passer d’un jeu d’orchestre de chambre à un picking des plus prospectifs, la basse ponctue ou syncope dans des rondeurs exquises. Au cours de ce programme les écrits d’Anjela DUVAL sont largement interprétés en breton, mais aussi, en français. Au-delà du chant, Annie EBREL y exerce, également, ses talents de diseuse. Par exemple, en lisant avec conviction et émotion ne serait-ce que quelques mots notés, en août 1920, par Anjela DUVAL dans son dernier cahier d’école. « Je veux devenir une petite poétesse Pas étonnant qu’Annie EBREL ait souhaité, alors que nous nous trouvons, encore, à l’orée de l’opus, mettre, en exergue, cette notation fondamentale. L’artiste décline, également, en narratif, en breton, puis en français, sur quelques pincements de cordes et vibrations de violoncelle, « Buggaleaj - Enfance », extrait des mémoires, « Va bed bugel », daté à Troñ-an-Dour, du 11 novembre 1957, jour de la Saint-Martin. La chanteuse réitère, notamment, cette forme interprétative qui, également, lui sied si bien, avec, en plage 12, « Faire reverdir les près », écrit en français, sur une feuille volante, par la poétesse et dit par l’artiste sur un « glas pianistique ». « J’en ai par-dessus la tête C’est, aussi, sur une nappe musicale illustrative qu’Annie EBREL interprète un passage textuel, en 17ème piste… Eh oui, il y a une 17ème piste, certes non répertoriée sur le dos de la jaquette, mais mentionnée, avec un renvoi, en page 14 du livret. Annie EBREL dit, en français, « L’œil du soleil », miroir linguistique du titre « Lagad an Heol », chanté en breton, en plage 3 du disque. |
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Au travers de ce poème, qui, au-delà de son amour de la nature, de sa langue bretonne, de son regard sur son simple quotidien, de la nécessité de pratiquer une agriculture respectueuse de la nature, qui font, pour partie, la colonne vertébrale de son œuvre, on constate, que de sa ferme costarmoricaine, Anjela DUVAL s’intéresse, aussi, certes, aux bouleversements de la société rurale, au monde qui change, si vite, autour d’elle, mais, aussi, aux événements internationaux, aux turpitudes et cruautés universelles… Si les poétiques mots mis en musique sont, bien évidemment, en quasi-totalité, signés de la poétesse trégoroise, nous pouvons écouter, en plage 7, échappant à cette règle, ce que nous nommerons un intermède chanté, puisque de 45 secondes, seulement, « Marc’hig Kerne - Le petit cheval de Cornouaille ». La deuxième exception apparaît à notre écoute, en avant dernière piste. Remarquablement mixé et mis en espace sonore par Jacques-Yves LAFONTAINE, plus qu’un incontournable cet excellentissime opus « Lellig » est, assurément, sans aucune réserve de notre part, un indispensable à votre discothèque. Avec une connotation, de prime abord, traditionnelle, Ronan PELLEN, Clément DALLOT et Daravan SOUVANNA ont réussi, par leurs arrangements actuels et leurs interventions aux styles et rythmes variés, allant jusqu’au new folk jazzy, à colorer de manière contemporaine le sublime et intemporel chant d'Annie EBREL qui, comme on le sait, enracinée, en fait, ici, clairement transparaître les ailes. Le défi d’habiller de notes des textes traditionnels, n’était pas tâche aisée. Grâce à « Lellig », Annie EBREL et ses musiciens nous proposent, un exceptionnel écrin vocal et musical, pleinement inscrit dans notre temps et parfaitement compatible avec l’aspect visionnaire notamment écologique, des écrits d’Anjela DUVAL qui trouvent, ainsi, en ces temps, encore plus de résonance. « Lellig »… Un album majeur pour assurer pérennité et écho universel à la culture bretonne et aux mots d'Anjela DUVAL. Gérard SIMON |
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Nous vous proposons d'écouter 3 extraits de l'album : "Lellig", "Rosa Canina" et "Ma zi bihan" - (07:13). |
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Les titres du CD d'Annie EBREL, « Lellig ! » :
01. Teir doenn c'hlas - Trois toits bleus (Lannion, octobre 1966) - 03:51. __________ |
Annie EBREL:
« Lellig ». |
© Culture et Celtie |
Illustration sonore de la page : Annie EBREL - Album Lellig
- "Teir doenn c'hlas - Trois toits bleus" - Extrait de 01:10. Le site internet d'Annie EBREL : www.annie-ebrel.com |