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Quoi de plus pertinent que de dénommer ce nouvel enregistrement, « A Family Odyssey » !
Une nouvelle fois, diffusé par « L’Autre Distribution », cette présente publication discographique s’inscrit dans la suite de « Songbook » (2009), « It’s a long way to Tipperary » 2014 et prix « Coup de cœur » de l’Académie Charles Cros, en 2015) et « Song Box » (2018), que nous vous avions proposé de découvrir sur nos pages en ligne (Voir chronique).

Plus de 55 minutes offrant à votre exigeante écoute un bijou mélodique et rythmique, particulièrement vocal, mis en valeur dans l’écrin de très fins arrangements musicaux et multi-instrumentaux.
19 titres enregistrés, en février 2022 et en 5 jours, par Damien TILLAUT, au Manoir de la Foulerie, à Saint-Sauveur-Villages, dans la Manche, se déclinant en 7 pièces exclusivement vocales, en solo, en chorus ou mixtes, 11 morceaux chantés et accompagnés et 1 instrumental intégral.
En bonus et 20ème piste, non référencée sur la jaquette, 1 plage finale « cachée », captée en public, dénommée « Henry my son » ; une vieille chanson folklorique traditionnelle plus populaire en Irlande qu'en Angleterre, dont les paroles ont changé au fil du temps et enregistrée, entre autres, par Al O'DONNELL et THE DUBLINERS ou, avec des mots différents, par Pete SEEGER.
Tels sont les structures artistiques qui fondent ce très esthétique et enchanteur programme concocté par McDONNELL Trio.

Comme le précise la courte préface notifiée sur la page de garde du livret qui accompagne le Compact-Disc, il s’agit d’un album :
« Pour la famille, les amis et tous les voyageurs de France, d'Irlande et d'ailleurs ».

Si la grande majorité des interprétations est fruit des magnifiques voix, des agiles doigtés, des nuancés souffles, en un mot, des talents incontestablement reconnus de Michael, Simon et Kevin, les trois artistes ont invité, pour un titre et au chant, en gaélique et en duo avec Michael McDONNELL, Mairéad NI MHAONAIGH, violoniste traditionnelle et chanteuse irlandaise, leader du groupe ALTAN (Notre chronique) et pour 4 pièces, le bassiste Alexandre SALLET, par ailleurs, accordéoniste et chœur chez BEAT BOUET Trio, Ti DUO, Simon McDONNELL, CAPSTERN, DS Band, MAELA.
A noter que les parties rythmiques et additionnelles ont été réalisées par Alexandre SALLET et le producteur et multi-instrumentiste irlandais du comté de Donegal, en Irlande, mieux connu en tant que membre du celtique CAPERCAILLIE… Manus LUNNY !

Ce nouvel album de McDONNELL Trio met, au tout premier plan, les qualités harmoniques et de tessiture du spectre vocal de la formation.

Aux côtés de sujets comme l’enfance, l’amour et l’amitié, l’exil, la vie des voyageurs et le retour au pays qui hantent, souvent, ces chansons irlandaises issues de l’Ulster ou du Donegal, voire, d’Angleterre ou des Appalaches et même de la tradition Tex Mex les morceaux prennent, parfois, les vagues des chants de marins, les langueurs mélancoliques du blues, les notes scandées d’un Gospel irlandais.

Comme pour bien marquer l’intangible et si savoureuse signature vocale du McDONNELL TRIO, le programme s’ouvre sur deux chants, exécutés, a capella, le premier chanté à trois voix, le second, altérant soli et chorus : « Open the door softly » qui nous demande d’ouvrir doucement la porte, car on a quelque chose à nous dire… et « Bound for Van Dieman’s Land - En route pour la terre de Van Dieman’s », nom de lieu qui désigne l'île australienne de Tasmanie découverte par l’explorateur néerlandais Abel TASMAN et nommée ainsi, en l'honneur d'Antonio van DIEMAN, gouverneur général des Indes orientales néerlandaises qui avait envoyé TASMAN en exploration, en 1642.

Alors, « En route pour la Terre de Van Dieman, braves garçons »…

Chorus :
« Bound for Van Dieman's Land, brave boys,
Far, far across the sea ;
If you don’t stand with cap in hand,
Transported you will be. »

Il faut attendre la plage 3, avec « Dance to you Daddy » pour entendre le premier accompagnement instrumental, avec mandoline, banjo et… basse additionnelle d’Alexandre SALLET qui introduisent un entraînant chant solo, prolongé par un chorus du trio et une superbe intervention de tin-whistle, l’ensemble, sur discrète ligne d’accordéon.
Se dégage de ce morceau, une ambiance, quelque peut, portuaire, chant de marins, où l’on parle de bateau qui revient de mer, de Haddock cuit à la poêle et où l’on fait danser toute la famille, jusqu’à la Mammy !

[.../...]
« Dance to your Daddy, my little laddie
Dance to your Daddy, my little man

Dance to your Mammy, my little Lassie
Dance to your Mammy, my little Lass ».

Si toutes les chansons de « A Family Odyssey » sont chantées en anglais, comme évoqué plus haut, en piste 4, « Tráthnóna Beag Aréir » est, magnifiquement, interprétée en gaélique.
C’est, vraiment, un sublime moment partagé dans la parfaite harmonie des voix de Michael McDONNELL et de Mairéad NI MHAONAIGH. La chaleur masculine, quelque peu granitique, fusionne alors, avec les volutes aériennes.
Il s’agit, là, d’une très belle ballade, signée de Séamus Ó GRIANNA, l’oncle de Michael, sur une ligne de guitare, de basse et… de piano, que, faute d’indication sur la jaquette, nous attribuerons à Kévin, puisque celui-ci, comme le précise le dossier de presse, a été son premier instrument.

En piste 6, nous avons bien apprécié « The Thirty Foot Trailer », une chanson évoquant les gens du voyage qui ne parviennent plus à trouver, dans le monde d’aujourd’hui, notamment livré au plastique et à la ferraille automobile, leurs rôles de colporteurs en porte à porte, de petits façonniers de proximité, d’empailleurs, de facteurs de sangles, de mors, de brides et de harnais pour attelages équestres… pas plus que leur simple et légitime place territoriale dans la cité.
Nous connaissions cette chanson par l’interprétation des DUBLINERS, mais rappelons, comme l’indique la jaquette de « A Family Odyssey » que cette pièce, joliment chaloupée, a été composée par Ewan MACCOLL.
C’est, en fait, sous ce pseudonyme choisi par James Henry MILLER, que le chanteur communiste engagé, compositeur, éditeur, acteur, poète et écrivain dramatique britannique a, notamment, chanté, « The Thirty Foot Trailer », avec son épouse Peggy SEEGER.

Nous avons été, au-delà du sujet abordé, été charmés par le thème mélodique de cette pièce, déclinée par les chants individuels alternés ou unis des trois artistes, soutenus, notamment, par l’enjôleur, romantique, mélancolique accordéon de Kevin, dont la tonalité semble, tout autant, regretter un temps révolu.

« The old ways are changing, you cannot deny
The day of the traveler is over
There's nowhere to go and there's nowhere to bide
So farewell to the life of the rover ».
[…/…]

[…/…]
« Farewell to the besoms of heather and broom
Farewell to the creels and the basket
The folks of today, they would far sooner pay
For a thing that's been made out of plastic ».
[…/…]

En plage 9, ne passez, surtout, pas à côté, de « This is a rebel song », création, texte et musique, de l’auteure-compositrice-interprète et musicienne irlandaise dublinoise, Sinéad O'CONNOR.
McDONNELL Trio nous en propose, ici, une version, plus rythmée, plus ponctuée que la version originale de l’artiste susnommée, mais l’émotion vocale est bien là, grâce, une nouvelle fois, à la qualité interprétative et tonale des chants soli ou en chorus et à l’ornementation instrumentale ciselée qui les portent, avec le tin-whistle de Simon épousant, à merveilles, les cordes, quelles soient pincées ou vocales.
Cette pièce apparaît, bien entendu, comme une ballade à double face interprétative. Elle peut être comprise comme une simple et passionnelle chanson d'amour douloureux entre une femme irlandaise et un amant anglais ou comme une imploration à la définitive paix entre l'Irlande et l’Angleterre, ce qui peut expliquer ces paroles extraites du texte :

Vous prolongerez, sans nul doute, le plaisir d’écouter, nous dirons, de délecter, le tin-whistle du véloce Simon, en écoutant le seul instrumental du disque, intitulé « The battle of Prestonpans ».
La bataille de Prestonpans, est le premier combat significatif de la seconde rébellion jacobite qui a eu lieu dans l'East Lothian, en Ecosse, le 21 septembre 1745. L'armée jacobite de Jacques François STUART, commandée par son fils, Charles Édouard, défait l'armée hanovrienne de GEORGE II, sous les ordres de Sir John COPE.
Le jeu, en solo, de Simon, est aussi émouvant, léger, leste, endiablé que, parfaitement, lié.
Belle performance et très aéré entre-acte musical, inséré au sein du programme vocal.

Bien sûr, nous aurions pu vous parler de la « métronomique horloge vocale » du trio que vous pourrez retrouver dans « The Beaver Brig », chant originaire du Inishowen, la plus grande péninsule de l’île d’Irlande, située au nord du comté de Donegal, interprété, a capella et en chorus, qui relate le départ du voilier « Beaver Brig » de ce comté la province d'Ulster.

Bien sur, nous aurions pu vous présenter tous les titres de cet excellent, brillant, apaisant, lumineux enregistrement, tous, plus attractifs, les uns que les autres !
Mais, afin d’éviter tout propos fastidieux et préserver votre propre plaisir de découverte de l’album, nous conclurons, simplement, notre chronique par un style musical, fort logiquement, abordé par McDONNELL Trio : Le bluegrass.
En effet, puisque celui-ci puise, aussi, ses origines dans les ballades et chansons traditionnelles d'Angleterre, d'Irlande et d'Écosse, forme musicale que les migrants du XVIIIème siècle ont apportée avec eux… dans la région des Appalaches.
Musique campagnarde, jouée au moment où la couleur de l'herbe virait au bleu, d’où son nom, son style hérite d'un mélange subtil entre le vieux country et les chansons des émigrants Ecossais et Irlandais.
C’est ainsi, qu’en plage 18, vous découvrirez cette chanson traditionnelle « Lazy John », certes, légère de fond et de forme, mais dont la « brillance » vous permettra, d’apprécier, encore, la parfaite concorde vocale et instrumentale de ce trio irlandais d’exception.

« Work all week in the noon day sun
Fifteen cents when Saturday comes
Goin to a dance to have some fun
Why don’t you get away lazy John

Lazy John lazy John
Why don’t you get your day’s work all done
You’re in the shade and I’m in the sun
Why don’t you get away lazy John »
[…/…]

Ne vous privez pas de cet excellent joyau discographique de folk irlandais, qu’il soit fruit des compositions originales des membres de la formation ou empruntées aux très riches répertoires traditionnels et « cousins », d’Ulster ou du Donegal, d’Angleterre ou des Appalaches…

« A Family Odyssey » va vous entraîner dans une moisson fertile de chansons d’exils, de marins et de musiciens vagabonds, côtoyant les sujets de la vie, comme l’enfance, l’amour et l’amitié.

Grâce, en façade de la jaquette, au vert d’eau et contemporain graphisme épuré, signé de Bruno WAGNER, dessin inspiré d’une vieille photo des parents de Michael, prise pendant leur voyage de noces, « Au début de leur odyssée », vous reconnaîtrez, très facilement, dans les bacs, cet opus, fort bien présenté. Le contenant est, en effet, conçu comme un petit livre relié, un mini-album de photos de famille, au sein duquel figure l’intégralité des textes des chansons. Ces derniers sont très joliment illustrés, à l’ancienne, par des photos familiales ou des dessins estompés, créations que nous devons, pour le design, à Clelia CORTESI McDONNELL et pour les illustrations, à Michael McDONNELL.
Si les deux premières pages, en vis-à-vis, sont parées d'un pêle-mêle de clichés familiaux, la dernière page est consacrée à l'un des photos officielles du trio, signée de Richard DUMAS.

Vous qui, tout comme nous, aimez les belle mélodies, les rythmes colorés, l’excellentissime chant, l’authenticité, le plaisir serein de l‘écoute et de la ré-écoute, procurez-vous, sans plus tarder, « A Familiy Odyssey » du remarquable et remarqué McDONNEL Trio !
A son endroit, Rock’n Folk n’écrivait-il pas ?
« Avec le McDonnell Trio, on plonge dans un authentique folk irlandais pour célébrer, avec grâce, une tradition parfaitement assimilée. »

Alors, « Open the door softly », Michael, Kévin et Simon ont quelque chose à vous dire… et plus, encore, à, magistralement, vous chanter !

Gérard SIMON