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Le Croisic : 20 et 21 Décembre 2008
 « Dégâts d’chez nous »…. deux concerts « révélateurs » !…

S’ils devaient, avant tout, marquer le lancement, tant attendu, du CD 5 titres « Courage », enregistré en hommage et à l’intégral profit de la S.N.S.M. du Croisic, les deux concerts de « Dégâts d’chez nous », ont « révélé », au-delà de l’excellence de ce disque, artistiquement abouti, une maturité certaine du groupe, que celui-ci a mise en évidence lors de ses prestations données à la salle des fêtes du Croisic, les 20 et 21 Décembre 2008.

« Ils sont passés d’un groupe de bons amateurs à de véritables professionnels », c’est l’une des nombreuses réflexions que nous avons pu entendre, en ce sens, dès la fin de la première partie du premier spectacle.

Au cours de ses précédents articles et reportages, consacrés à cet événement, « Culture et Celtie, le magazine… », vous l’avait bien annoncé : « L’enregistrement se « révèlerait » brillant, et, fort de cette importante étape musicale en studio franchie, les cinq musiciens se « révèleraient », eux aussi, dans une nouvelle dimension scénique.


Le style débridé et convivial qui fait, depuis toujours, le caractère spécifique et apprécié du groupe, n’a, en effet, aucunement souffert, bien au contraire, d’une certaine rigueur dans la mise en scène structurée qui a ménagé, et même, mis en valeur les effets spontanés.

Le groupe a su nous faire passer du rire aux larmes, du futile au drame, de la caricature aux bleus de l’âme…
Des filles de la « Rue des 3 matelots » à la dramatique perte de l’être cher en « 1988 », du burlesque « Parisien » découvrant la falaise de Piriac, au rude labeur des « forçats » de « Terre Neuve », de l’amour transi d’un « Bigorneau » pour une langoustine à la plaintive « Prière du marin », ce fut une large palette qui mélange les couleurs de l’univers des ports et de la mer.


Mais revenons au début de ce spectacle.
Longeant la rampe du plateau, de fins filets d’un bleu tendre du plus bel effet s’entremêlent. Frontalement, posés sur les casiers et « retours », ils débordent en vaguelettes sur le vaste drapé blanc orné d’hermines qui « nappe » le surplomb de la scène et qui nous rappelle que nous sommes en Bretagne Sud. Nous remarquons aussi, en fond de scène, la chatoyante toile aux couleurs vives, sur laquelle, se profilent les élégantes voilures ocre et brunes de fins voiliers se détachant sur un ciel d’azur, décor conçu par Soizic Bellamy.

De ports en ports, d’embarquements en débarquements, nous allons suivre les péripéties du Petit Joseph, tout jeune moussaillon embarqué précocement sur le navire « Le Reste à terre », drôle de nom pour un navire !… comme le souligne, d’entrée, le « gouailleur » chanteur, Yann Joncour. Les aventures de cet apprenti marin seront le prétexte du long cheminement musical de la soirée.
Les accords et doux phrasés du violon de Joël Faou introduisent la complainte désenchantée de « Mon p’tit garçon », composition signée du légendaire Michel Tonnerre. Ce chant nostalgique nous plonge immédiatement au cœur du sujet : celui de l’absolue nécessité vitale de reprendre, quelque soit le temps, la mer avec les souffrances qu’elle engendre : «  Les mains coupées par l'vent glacé, sans même la force de fredonner ». Les mots sont assez forts et explicites pour nous permettre d’imaginer les conditions extrêmes des travailleurs de la mer.

Le littoral marin breton, c’est, également, à terre, le souvenir de quelques figures locales, aujourd’hui, disparues. Les mots poétiques d’Alain Baillet nous rappellent, que jadis, l’on voyait déambuler un personnage très représentatif de la région Croisiquaise, le Père Monfort et son beau postier Breton, Bijou, martelant, de son pas tranquille et puissant, le pavé du port en ramenant sa vieille charrette chargée des goémons jonchant en guirlandes odorantes et iodées, la plage dévêtue, pour quelques heures, de sa « robe de marée », aux plis de glaz.


Alain BAILLET et Yves DROGUE, en survolant avec votre souris : Michel TRIBOT, David BAILLET, Bruno AMICE

Retrouvons, à présent, « St-Nazaire », ses docks, ses marins ivres en quête de quelques instants de tendresse ou de compagnons d’infortune. D’autres implorent « Les goélands de Bretagne » et l’espérance de quelques nouvelles venues de leur pays. Le texte et la mélodie d’Alain Baillet sont très bien servis par la guitare 12 cordes d’Yves Drogue et les flûtes de David Baillet et Michel Tribot, venu, en renfort et en invité. Pour échapper à la mélancolie, les musiciens nous entraînent dans un « cercle circassien » virevoltant. L’excellent et fascinant Bruno Amice, ex-membre du groupe, à l’accordéon diatonique et David à la bombarde font, vraiment, merveilles.

« Nous n’allons pas oublier ce pourquoi nous sommes tous réunis, ce soir ». Nous voulons parler de ce disque dédié aux sauveteurs en mer. Nous allons donc vous interpréter les cinq chansons qui illustrent ce CD », reprend Yann, dès les dernières notes de la précédente séquence, évanouies.

« Terre Neuve » est le premier morceau de ce « presqu’album », tant il est conceptuel par son homogénéité. C’est Alain qui l’interprète, principalement, de sa voix chaude et mélodieuse, Yves Drogue et Yann Joncour venant appuyer un refrain grave et lancinant : « Terre Neuve, Terre Neuve… que ton nom soit maudit ». Signalons la performance mélodique de David Baillet à la très surprenante et hispanisante bombarde.


Puis, place aux souvenirs ineffaçables, aux cicatrices creusées de sel. Yann Joncour assis sur l’un des casiers qui ornemente la scène se tait.
Après un court silence, sa voix s’élève pour nous déclamer le plus poignant des poèmes : une ode à la perte d’un être cher, son père, tragiquement disparu en mer, en 1988. Dieu que l’instant est prenant et comme les mots sont bouleversants.
Les trémolos s’égrenant de sa gorge nous enlacent et nous touchent, comme ils troublent une mère et une sœur, ici, présentes, qui se rapprochent, instinctivement, pour mieux communier avec l’hommage du fils. Les guitares se font, elles aussi, Madrilènes et leurs notes  mélancoliques dramatisent, encore, cette déchirante narration écrite par le chanteur….

Après cette inconsolable tristesse, la « Prière du marin », rappelle, à ceux qui l’ignoreraient encore, qu’il s’agit du métier le plus dangereux du monde et qu’au plus profond de la détresse, certains navigateurs prient pour échapper à une telle vie et préfèreraient « vivre en enfer ».

Puis, toujours extrait du CD 5 titres, ce sera « Marins » de Mikaêl Yaouank :
«  Pour qui sont ces bateaux, tirant sur leurs amarres, comme de grands chevaux sur le départ ? ».
Mais justement, « Où vont tous ces marins ? » et lorsqu’ils sont victimes d’une sale tempête, et que le navire est en perdition comment ne pas espérer en la providence… celle qu’incarne, notamment, les courageux sauveteurs en mer. La caracolante chanson « Courage », véritable hymne spécialement composé par Alain Baillet, en hommage à ces valeureux chevaliers de la mer est là pour nous le rappeler.
Le refrain est repris à l’unisson par tout le public et les chœurs de la S.N.S.M. montés sur les planches auprès des musiciens, car il s’agit bien là, de leur soirée.
Une Polka, celle du Titanic, achèvera cette émouvante première partie particulièrement réussie.      ... / ...


Illustration sonore de la page : Yann JONCOUR ouvre le concert
- Montage d'après enregistrement en public réalisé par Stéphane Calvez. - (00:21).

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