Alan Stivell, un musicien, une oeuvre...
Le reportage...

10 octobre 2003
Vitry sur Seine

C'est dans le cadre du 17ème Festi'Val de Marne, que je remercie, par ailleurs, d'avoir accepté, durant sa durée, l'installation de liens réciproques entre nos deux sites respectifs, qu'Alan Stivell s'est produit au Théâtre Jean Vilar de Vitry sur Seine.

Vers 22 heures, après le récital du chanteur breton Etienne Grandjean, en première partie du concert, le voyage en Celtie a vraiment commençé...

Le vaisseau est là, baigné de lumières bleues et vertes. Respectivement couleurs de l'Armor (pays de la mer) et de l'Argoat (pays des bois)... elles sont, à elles seules, symboles de la Bretagne...
Ces taches colorées se mêlent même parfois pour nous rappeler ce «glaz», ce bleu-vert électrique que l'on peut observer, notamment, sur une mer... ensoleillée... de la baie de Douarnenez... il ne pleut jamais en Bretagne !
Sur le pont, dominant les autres instruments, deux harpes majestueuses...
L'une d'elles, plus près de nous, comme la barre d'un navire derrière laquelle le «pacha» tracera sa route... l'autre, translucide, celle de la tournée 1 Douar, au fond, en figure de proue... au cas où ?
L'équipage est paré : à bâbord, Johan Berg Dalgaard est aux claviers, non loin de lui, légèrement excentré Latabi Diouani est à la batterie et aux percussions, à tribord Arnaud Ciapolino est à la flûte traversière...et aux autres flûtes.
Un thème musical velouté joué par les trois matelots vient vers nous comme une vague sur la grève... ces effluves musicales nous envoûtent d'entrée... C'est le début de cette croisière mystique...
Puis, à peine en situation, les trois «servants» s'effacent laissant place au Maître qui fait son entrée en rejoignant sereinement sa harpe «prototype»...
Alan Stivell est devant nous, sur-chemise de soie bleue, rappel de la tournée «Back to Breizh», pantalon et tee-shirt noirs... il prononce quelques mots nous indiquant que ce concert donné dans le cadre du 50ème anniversaire du renouveau de la harpe celtique fera la part belle à l'instrument fétiche.
Alan va d'ailleurs, au cours de cette soirée, outre nous faire voyager en Bretagne, Ecosse, Irlande ou... ailleurs, nous ouvrir le livre de sa vie puisqu'il va puiser abondamment dans les titres de son dernier album «Au delà des mots».
Ce 21ème magnifique album «est tout simplement l'histoire et les rêves de sa vie»...
Le premier titre joué à la harpe solo sera «Eliz Iza», une chanson traditionnelle des montagnes bretonnes... Oh, bien-sur, immédiatement, nous pensons aux soeurs Goadec qu'Alan vénère particulièrement. Comment ne pas avoir en mémoire l'enregistrement où, en 1973, Alan Stivell accompagne, au festival de Kertalg, Maryvonne, Thasie et Eugénie... En quelques mots, Alan nous en parle avec affection de ces trois dames qui ont marqué son parcours musical ! Elles sont avec lui, ce soir... elles sont aussi avec nous...
Des titres de l'album «renaissance de la harpe celtique» s'alterneront avec ceux d'«au delà des mots»... trente ans les séparent... trente ans les réunissent dans une même inspiration...
Puis, plus tard, des faisceaux de lumière violette viendront, en fond de scène, se mélanger au bleu-vert, au vert-bleu... au «glaz» !
La harpe d'Alan, caressée, au devant de la scène, par un pinceau de lumière orangée, se parera d'or... ce sera «Goltraidhe»... quand «les gammes de la tristesse» font évoquer à Alan les moments importants d'une vie comme «la mort d'un père»... il est également bien présent ce père de génie qui, en 1953, offre à Alan le cadeau de sa vie... une harpe construite par ses mains... mais plus que l'objet... un son qu'Alan fera, tout au long de son oeuvre, sans cesse, évoluer...
De la «harpe atlantique» à «la harpe et l'enfant» en empruntant «la route de l'étain», nous nous arrêterons à «Gourin-Pontivy» villes d'origine des parents d'Alan.
Quelque soit l'étape, nous ressentirons profondément cette belle histoire d'amour qu'Alan nous fait partager depuis si longtemps.
Si la harpe reste l'instrument majeur, Alan Stivell est musicalement pluriel... comment oublier ces années passées en première ligne du bagad Bleimor...
Elle passe, maintenant, devant nous, cette formation typiquement bretonne, on reconnaît même son Penn-Soner, mais si, vous savez, Alan Cochevelou !...
Pourtant absents physiquement de la scène, on distingue même très bien binious et
bombardes ! c'est la magie d'une transcription pleinement réussie !
Quand aux batteries qui ferment la marche, le flûtiste, ayant abandonné provisoirement son instrument pour la caisse écossaise, nous les fera revivre au cœur d'un solo durant lequel il se «mesurera» même, dans un second temps, avec le batteur !
Un très grand moment, l'une des clefs de voûte de ce récital !
Loin de moi l'idée d'énumérer chronologiquement les titres interprétés par notre bel artiste, cela nuirait à la magie... et puis tout est tellement cohérent, indivisible.
«Brian Boru» viendra, ensuite, planter son étendard et son épée en terre, pour une paix retrouvée en Ulster»… magnifique introduction à la harpe, pour un développement musical central extrêmement délié... et la voix envoûtante de Stivell.
Alan se mettra, une nouvelle fois, en colère contre les «souilleurs de la mer» en interprétant «Ceux qui sèment la mort»... il les fera crier les goélands englués dans le pétrole visqueux de l'Erika, lorsqu'il raclera de ses doigts de haut en bas, puis de bas en haut, les cordes de sa harpe...
En plein accord avec lui, scandalisés, nous reprendrons le refrain «plutôt la mort que la souillure, tel était le slogan, au pays d'hermine pure, au pays des goélands».
Puis nous ferons retomber nos griefs en esquissant quelques pas de danse, lorsqu'Alan jouera un endiablé «Métig» revisité, mais ne trahissant aucunement les racines traditionnelles de cette variété de gavottes des montagnes que l'on nomme en Bretagne, Dañs-fisel.
Ce voyage sera passion, émotion, évasion, même fête... «Une fête universelle»... N'est-ce pas l'extrait de la symphonie celtique qu'Alan nous proposera en première conclusion de sa prestation ?

Mais il faudra bien regagner le port et ramener tout le monde à quai.
Pour que le retour fasse moins mal, Alan puisera alors dans le répertoire connu de tous, la «suite sudarmoricaine», chantée en Français, puis en Breton, «tri martolod», où les «la lon la, la la la la» et les «lalalalaléno» seront clamés en chœur par une salle enthousiaste qui semble soudainement chanter très fort pour avoir moins peur !...

Des musiciens talentueux et efficaces, des lumières magiques, un son à la hauteur de la pureté des instruments, un Alan Stivell particulièrement inspiré et précis, c'était à Vitry sur Seine... à Vitry sur Mer... je ne sais pas, je ne sais plus... c'était très loin d'ici...

Merci MONSIEUR Stivell pour cette croisière magique où la beauté était au rendez-vous !
Kenavo, a wech'all !

Reportage Gérard SIMON


Présentation du concert d'Alan Stivell extraite du très joli et excellent programme de la saison 2003/2004 du Théâtre Jean Vilar de Vitry sur Seine 94400 (1, place Jean Vilar TEL : 01.55.53.10.60).

"Harpiste magique pionnier de la world music dans les années 70, Alan Stivell reste toujours le chantre de l'universalité.
A l'écoute de son nouvel album entièrement consacré aux harpes néo-celtiques, on entre dans un univers envoûtant, mâtiné de jazz et d'influences africaines ou orientales. "Au delà des mots" raconte son histoire, par la voix de l'instrument si pur qui a dominé toute sa vie."




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