Alan Stivell, un musicien, une oeuvre...
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"Explore"... 22ème album d'Alan Stivell

22 albums depuis 1964, soit en moyenne un disque tous les deux ans environ, un bel exploit !
Et toujours des voies nouvelles...
Alan n'a jamais pris le parti d'exploiter un "filon" qui marchait et de tirer un maximum dessus. Avec "Explore", il reste fidèle à ses idées et ne déroge pas à sa ligne de conduite. Grâce à cela, il nous surprend à nouveau, tant par sa musique que par ses textes. S'il fallait résumer ce disque en trois mots, je choisirais : Beauté, Emotion, Vie : BEV (prononcer béo) ce qui signifie "vivant" en breton.

L'album s'ouvre sur "Miz tu" sur lequel Alan expose son émotion suite au phénomène des banlieues de l'automne dernier. Il y rape façon "hip-hop" en français et en breton sur un rythme raga pour demander plus de justice et de solidarité.

"Là-bas, là-bas" est une mélodie superbe soutenue à la harpe, elle célèbre la mémoire d'un être très cher disparu : "Ton amour de mère demeure, Pour tes fils jamais ne meure, Ton amour de mère demeure, jamais ne meure…"

Les paroles de "You know it" sont écrites en breton et en anglais, elles sont un hymne à l'espoir que chacun de nous doit conserver en soi après une déception. Elles sont chantées sur une musique quasiment incantatoire soutenue par une rythmique programmée en boucle.

"Té" est un texte très personnel en breton, des paroles magnifiques pour un nouvel hymne à l'amour, à son amour. La harpe et le uilleann-pipe de Brian Mac Combe nous glissent une mélodie très douce alors que la guitare électrique de Pat O'May vient renforcer un refrain énergique.

Energie à nouveau avec "They" qui traite de la misère de l'immigration, influences rock et indiennes qui reviennent en Irlande et rage d'Alan dans un phrasé violent complété par une guitare hargneuse. Quand les hommes accepteront-ils enfin de vivre ensemble ?

Suit un instrumental nommé "Into", joué uniquement à la harpe, plus précisément sur le prototype "Stivell-Goas" solid-body à cordes métalliques. Un pur moment d'ambiance gaélique.

L'enchaînement avec "Druidic Lands" est immédiat. Alan part dans une mélodie chamanique avec harpe et cornemuse-midi dans un rythme envoûtant. Le texte, entièrement en breton, nous amène à réfléchir sur la spiritualité et à considérer le druidisme comme "une clé, un chemin praticable". Pourquoi pas un réel retour vers le respect de la nature, plutôt que des envolées fanatiques autour de religions basées sur l'homme ? A méditer.

"Menez" est une invitation à la danse comme Alan sait lancer. Une sorte de danse universelle puisqu'elle part de la Bretagne avec un sample du Bagad Bleimor pour aller voyager du côté du blues, de la musique d'Europe orientale et même d'Afrique. Le texte en breton est encore très personnel, il nous rappelle des moments de vie dans des paysages somptueux et encore une fois des espoirs pour un monde meilleur.

"Explore" est le second instrumental du disque. Alan y enregistre ainsi le premier solo du prototype "Stivell-Camac". Les premières notes semblent sortir de la "Telenn Gentañ" construite en 1953 par Jord Cochevelou. Les machines gérées par Sébastien Guérive viennent cependant confirmer qu'il s'agit bien du nouvel instrument en nous en montrant quelques possibilités techniques.

L'album se termine avec "Un parfait paradis", sorte de reprise de "Miz tu". Retour au rap, aux rythmes syncopés, des percussions africaines, la guitare basse de Sylvain Corbard accentuant les effets. Les paroles sont de nouveau un plaidoyer pour "Un monde pour eux, un monde pour nous … Si on voulait bien les aider."
Un solo de harpe s'enchaîne comme pour apaiser les tensions et retrouver la sérénité.

Animation GS d'après jaquette du CD
Keltia III - Harmonia Mundi K3104
Un disque très riche, très actuel qui ouvre de nouvelles voies à la musique bretonne et celtique car Alan crée bien une nouvelle musique celtique sans rompre avec les racines. L'emploi des nouvelles techniques "électro" s'intègre complètement, et sans le dénaturer, dans le projet allant vers une "musique du monde".
Je voudrais terminer en insistant sur un des côtés souvent négligé dans l'œuvre d'Alan : il s'agit de l'écriture des paroles de ses chansons. Il nous démontre avec "Explore" qu'il est un auteur complet capable d'écrire des textes très structurés, la poésie est là.

Son interprétation vocale est le reflet de cette magnifique écriture sensible.

Mille merci à vous Monsieur Alan Stivell !
Trugarez vras deoc'h an Aotroù Alan Stivell !

Article de Yann-Bêr






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