Alan Stivell, un musicien, une oeuvre...
L'article...

Alan "Explore"... l'amour, la mort, l'actualité...

Le voilà, enfin, ce 22ème opus du Maître...

22 albums, en presque 50 ans de carrière !...

Alan Stivell revient avec son nouveau CD, encore plein de ces emprunts tirés de ses nouvelles explorations, tout droit venus de son cœur, de son envie de "frottement des cultures". Trois thèmes sont évoqués dans cet album :

l'amour, la mort, l'actualité.

Cet enregistrement se compose de 10 titres, à la fois, variés dans leurs thèmes, mais, également, communs, dans leur unité musicale. Les morceaux s'y égrènent doucement, avec une volonté de partage de l'émotion.
Son travail dans les sons, les samples, les rythmiques en distorsion est encore bien présent. Depuis toujours, tel un enfant émerveillé par ses instruments, l'homme à la
"harpe de vent" ou à la "harpe bohème des temps futurs", reste là, ancré dans son monde, ce monde, notre monde...
Je m'attarde, ici, sur les quelques morceaux : six sur les dix, qui, au fil des écoutes me plaisent davantage, non pas que les autres soient "moins bons", mais ils m'interpellent moins....

Stivell y décrit quelques-uns des durs maux de nos sociétés, comme il l'a déjà fait, par le passé, dans de précédents albums comme le tragique incendie du Parlement de Rennes, l'emprisonnement de Bobby Sand lors du conflit sur l'Irlande du Nord ou le naufrage du pétrolier "Erika" venu s'échouer près des côtes Bretonnes, en Décembre 1999.

Cette fois-ci, il pose son regard sur le malaise profond des banlieues, sur la jeunesse désoeuvrée et le besoin de reconnaissance de cette nouvelle minorité qui s'ajoute à tant d'autres, hélas, et lance quelques répliques destinées aux responsables politiques :
"Tu vois que des voitures qu'on brûle, t'entends qu'on hurle. Tu vois pas tout ce qui est injuste, y en a tant, y en a tant…"

L'artiste ne "grime pas", mais crée une ambiance particulière de techno ambiant dans
"Miz tu" avec des samples venus de l'Inde, de tablas sitar. Nous ne sommes pas loin du travail de Asian Dub Fondation, le tout soutenu par une profonde basse. Nous ne pouvons pas dire que l'artiste s'éloigne de sa passion pour les musiques du monde.

Alan nous décrit sa "montagne" dans "Menez" : "Face à l'Arrée, comme aux rivages, comment rester impavides pendant des heures, on est sans voix, dans ce lieu hors du commun…". Sa harpe, une basse, une batterie et un sample du bagad Bleimor, dont il fut le penn-ponneur, illustrent la partie sonore du morceau. La Bretagne, alors, "résonne" dans toute sa beauté. Sans doute, celui, ou celle, qui n'aura jamais entendu un Bagad "sonner" ressentira-t-il moins d'émotion, que moi.

"Là-bas, là-bas" est un texte fort, écrit sur ce qui nous touche tous un jour... la mort d'un être cher. Paroles pleines de sobriété avec de beaux mots d'amour. Cependant j'aurais aimé qu'Alan joue pour cette mélodie sur sa célèbre Telenn Gentañ, cela aurait été, pour moi, encore plus puissant et symbolique...

Puis Alan intervient pour une première improvisation à la harpe solo dans "Into". Nous ne sommes pas loin de "Un dewezh bar gêr" pour ceux qui connaissent ou se rappellent, de l'album "une journée à la maison" et d'une autre fameuse improvisation nommée
"Inisi anternos".
Achevez votre écoute par "They" et vous aurez compris le message de cette chanson phare. En 1979-1980, déjà, Alan Stivell affirmait dans cette phrase extraite de la "Symphonie Celtique" : " Minorités de ce monde, croyez-le tous. Minorités, résistez et vivez". 26 années, plus tard, dans "They", l'artiste redit haut et fort : "Il faut ivre ensemble en terriens, sous d'autres angles…"

Il s'agit d'un album emprunt d'amour. L'amour de "l'humain de chair", de la terre, de la mer, Argoat-Armor, sac et ressac… Dans le second instrumental, "Explore" l'on sent que le musicien a pris plaisir à enregistrer cet album.
Cependant, il me laisse, personnellement, un peu sur ma faim quant à ses timides explorations technologiques sur sa nouvelle harpe : pizzicato, légères distorsions, phasing, delay, jeux de fréquence FM modulé. L'exploration se fait délicate, émouvante, mais à quand un vrai travail de désarticulation sonore avec sa, ou ses harpes ? Jusqu'où Alan osera-t-il pousser le jeu ? Sur ce CD, Stivell joue sur la fameuse Léo Goas-Stivell, solid-body de plexi glass, et la nouvelle Camac Stivell 1, prototype au design et au son magique.

L'unité prime sur cet album qui s'écoute sans dérouter. La première chanson nous conduit vers la suivante sans cassure brutale. Sur cet album, la voix du Maître se fait tour à tour, forte, émouvante, ou nous invite à la danse, mais toujours elle emprunte ses tonalités propres que nous aimons.

10 titres donc, pour 47 minutes 26 secondes de bonheur, mais personnellement, comme pour tout bonheur, cela me semble toujours trop court...

Animation GS
Photos Claudia et Charly Dunas

Evoquons aussi la pochette en "digipack" qui est, à ma connaissance, la première de l'artiste, outre les couvertures cartonnées illustrant les singles ou les coffrets.
Les CD sont, ou deviennent insipides, tant le travail de design est banalisé. Mais ici, ce n'est pas le cas.

La pochette est colorée avec des variantes qu' Alan affectionne particulièrement, les bleus et blancs avec, en filigramme, des lignes verticales qui parcours le livret et qui semblent représenter les cordes de ses harpes. Ou bien représentent-elles l'humilité, la pureté, une sorte de communion entre les éléments et la spiritualité celtique : bleu bardique de "Tir na nôg"

et le blanc druidique, ce qui tendrait à démontrer que le musicien ne déroge pas à sa ligne de conduite depuis près de 50 ans.
Peut-être, je dis bien peut-être, Alan Stivell accepte-t-il, avec plus de sagesse et de philosophie, les maux et faits qui rendent parfois, "sa", ou nos vies douloureuses.


Article de VISANT






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