Alan Stivell, un musicien, une oeuvre...
L'article...

"Explore" : entre gravité, profondeur et force positive...

Ça y est, ça y est, j'ai "Explore" entre les mains...
Je déchire fébrilement la cellophane... tiens, la pochette est en carton, c'est plus chaleureux que l'habituel plastique. Je l'ouvre, ah, voilà le CD.
Il ressemble un peu à celui d' "Au-delà des mots", même style sobre, même sorte d'écriture moderne, mêmes lignes parallèles, qui font inévitablement penser aux cordes des harpes.
Je me précipite vers mon lecteur, allez, ouvre-toi... dommage, l'album n'est pas très long , 47 minutes 26... je monte le son, j'appuie sur lecture après un coup d'œil complice à ma harpe... l'exploration commence !...

Animation GS d'après jaquette du CD
Keltia III - Harmonia Mundi K3104

L'œuvre s'ouvre, comme une justification de son titre, par des sons étranges. Tout au long de cette nouvelle création, musiques électroniques et effets divers accompagneront la voix de Monsieur Stivell et les notes cristallines égrenées de sa harpe. Tout cela soutenu par des percussions qui se montrent capables de mettre en place, en un rien de temps, des rythmes extrêmement vivants et dynamiques. On peut parfois se croire au fest-noz, avec les irrésistibles an-droioù de "Miz tu" et "Un parfait paradis", ou la gavotte de "Menez", appuyée par des extraits de musique du bagad Bleimor.

Les mots, de retour après l'album précédent, sont manifestement le fruit d'un choix éclairé, tant pour leur sens profond que dans leur musique propre, avec des jeux de sonorités très recherchés. Diverses techniques sont aussi utilisées pour la voix : textes tantôt scandés, tantôt chantés, parfois incantatoires, voire mystiques, comme l'appel aux essentielles forces complémentaires de "Druidic lands", entouré de chœurs. Tout cela dans trois langues : français, anglais, et bien sûr breton, avec même un infime soupçon de gaélique pour le titre "Té".

Les sujets, très diversifiés, reprennent, pour la plupart, des thèmes chers à Monsieur Stivell, mais dans une nouvelle approche. Réflexions philosophiques sur la "vraie" différence citées dans "They", la sagesse du temps où l'homme se fondait dans la nature des "Druidic lands", les moyens à mettre en œuvre pour résoudre les problèmes présents, évoqués dans "Miz tu", et atteindre l'idéal, le "Parfait paradis"... Louanges, de la terre et de la culture bretonne dans "Menez", ainsi que deux magnifiques hommages à deux femmes, qui portent, en eux, une émotion profonde, renforcée par la pure magie de la harpe.
Le premier se rapproche du goltraidhe, et nous montre, à nouveau, que l'artiste maîtrise parfaitement ce "mode des larmes". Certainement, la beauté de cette chanson a atteint la mère à qui il est dédié, très loin, "Là-bas, là-bas".
Le second, "Té", fait alterner, autour d'une légère mélodie récurrente, la flûte aérienne, l'uilleann pipe plaintive et la guitare électrique de Pat O'May, dans un rythme tantôt calme, tantôt accéléré, insistant sur la difficulté d'exprimer certains sentiments dans toute leur puissance. Cela s'appelle une chanson d'amour... mais celle-ci change énormément de celles que l'on a l'habitude d'entendre... peut-être par sa grande sincérité ?

Plus proches, d' "Au-delà des mots", sont les deux courts instrumentaux, où une harpe éthérée, parfaitement maîtrisée, nous conduit dans des lieux paradisiaques : comme au temps des bardes antiques, elle constitue le lien entre matériel et spirituel. "Into" semble précisément nous introduire aux "Druidic lands", le morceau suivant.
Quand à "Explore", il arrive juste avant "Un parfait paradis"...

Tout au long de l'album, la harpe, même si elle se fait parfois discrète, reste fidèle et offre sa naturelle beauté. Et c'est elle qui conclut l'album, se faisant, à nouveau lien, vers l'idéal, puisqu'elle nous guide pour la découverte du "Parfait paradis", avant de s'en aller tout doucement, nous laissant tout rêveurs...


De cet album se dégage une grande force positive. Malgré la gravité et la profondeur de plusieurs des sujets évoqués, la voix reste apaisante, l'amour et l'espoir sont omniprésents. Au-delà de la colère de la guitare électrique dans le morceau "They", la conclusion reste pleine d'espoir, tel "You know it" : l'espoir de trouver sa route, d'atteindre un monde meilleur, de réaliser ses rêves... Toujours, la vie continue, et après la nuit viendra le jour (" goude noz 'vo de' "), après le mois noir, "Miz tu", arrive le printemps...

Article de GWERSPI






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