Mon voisin, ravi aussi de revoir le "grand frère Breton" se penche, un instant, vers moi et semble me justifier sa fidélité au barde magique qui remonte aux années 70... tout comme pour moi... on se sent en famille. Un sourire de gamin émerveillé illumine son visage. Je regarde plus largement autour de nous, l'assistance est, elle-même, dès les premiers instants, radieuse.
Alan nous a immédiatement immergé, par ses mots simples et sincères, dans le bonheur qui, par son authenticité évidente va engendrer la beauté, une beauté collective entre
"celui qui donne et ceux qui reçoivent
et qui remercient".
Ce récital va indiscutablement se dérouler dans une ambiance d'exception.
L'excellence, tout de suite perceptible des musiciens qui secondent le maître, n'échappe à personne.
Pour ma part, ayant assisté à plusieurs concerts de cette magnifique et mémorable tournée du 50ème anniversaire célébrant la renaissance de la harpe celtique, j'attends avec impatience... la nouvelle rythmique que va nous proposer le percussionniste Khlifa Rachedi qui, depuis le concert de Le Turretot (76) remplace le précédent batteur Latabi Diouani. Le nom de ce dernier est d'ailleurs, par erreur, toujours mentionné dans la presse régionale, et même, ce qui est plus fâcheux, lu au micro de la salle dans le message qui précède immédiatement le spectacle. J'imagine qu'il fut difficile pour le musicien d'entrer en scène présenté sous le nom de son prédécesseur. Heureusement, les musiciens forment une grande famille et cette substitution patronymique restera la seule fausse note de la soirée...
Khlifa Rachedi, nous l'avions connu aux côtés d'Alan lors de la tournée "1 Douar" et j'avoue que j'appréhendais, un peu, le côté parfois trop dominant qu'il imposait, alors, dans la tournée de 1998, certes plus "africaine".
Ma crainte a vite été éradiquée par le jeu subtil et dosé de ce ténor des percussions exotiques, tout habillé de blanc et coiffé de son éternel bandana.
Rassuré et conquis, j'attendais avec impatience le rendu du morceau, clef de voûte du concert, "Bleimor, le Bagad", à la fin duquel Arnaud Ciapolino, à la caisse écossaise,
"dialogue" frénétiquement avec le percussionniste. Qu'allait devenir cette superbe fresque, photographie souvenir de l'époque où Alan défilait en Penn Soner dans les rues de Quimper, à la tête du Bagad Bleimor ?
Je dois dire que cette nouvelle sonorité de percussions m'a vivement intéressé et, puisqu'il s'agissait de l'évocation d'un bagad, m'a beaucoup rappelé la nouvelle ambiance musicale structurelle qu'offrent, notamment en concours, les célèbres formations bretonnes en fusionnant les instruments bretons traditionnels avec les jambés, bongos, tablas et autres instruments venus de continents voisins. Encore un tour de force "Stivellien" permettant à l'image traditionnelle d'un Bagad tel que Bleimor de se projeter dans la coloration actuelle des bagadou, aujourd'hui à la fois, plus
"symphoniques" et "universalistes".
Pour certains, ce nouvel habillage rythmique peut apparaître moins brillant et percutant que celui qui régnait lors de la prestation de Latabi Diouani, et de ce fait, cette version du morceau peut sembler moins en exergue du reste de la prestation artistique d'Alan qu'elle était par le passé.
Je n'énumérerai pas les titres de ce tableau musical que nous peint, à chaque spectacle, cet artiste d'exception qu'est Alan Stivell et dont vous connaissez déjà les paysages, au travers de nos pages "reportage" consacrées à cette tournée, mais je retiendrai tout particulièrement :
- le poignant "Goltraidhe", hymne de tristesse où l'émotion d'Alan crispe un instant son visage, lorsqu'il prononce quelques mots pudiques sur la mort de son père, véritable créateur et inspirateur de sa longue et belle carrière.
- le "coup de gueule" contre ceux qui, au nom du seul profit, "sèment la mort" sur nos mers, et qui devient ce soir très "rock" grâce sa harpe de haute technologie qu'il a imaginée. Celle-ci permet à Stivell, de concert en concert, d'en exploiter de plus en plus les capacités techniques et musicales, et d'exprimer, par son jeu, sa colère légitime et partagée, avec des effets de guitare électrique torturée d'où émanent, en complainte finale, le cri simulé des mouettes engluées dans le pétrole dévastateur d'un Erika ou d'un Prestige... Tout au long du spectacle, des lumières particulièrement "léchées" embellissent... la beauté !
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